Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, par une décision du 5 juin 2025, sur le respect des obligations comptables incombant aux candidats lors des élections législatives. Le juge de l’élection a été saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le 2 décembre 2024. Cette saisine portait sur la régularité des dépenses engagées par une candidate lors du scrutin organisé dans la dixième circonscription du département des Yvelines. Le mandataire financier de l’intéressée n’avait pas ouvert de compte bancaire spécifique, en violation manifeste des dispositions impératives prévues par le code électoral. La commission administrative avait précédemment rejeté les comptes de campagne le 25 novembre 2024 en raison de cette absence de compte bancaire unique. La candidate a toutefois fait valoir que son mandataire avait rencontré des difficultés d’ouverture liées aux congés estivaux de son agence bancaire habituelle. Le litige porte sur le point de savoir si l’impossibilité matérielle d’ouvrir un compte bancaire exonère le candidat de ses obligations de transparence financière. Le Conseil constitutionnel confirme la décision de la commission et prononce l’inéligibilité de la candidate pour une durée d’une année à compter du prononcé.
I. L’obligation de centralisation bancaire des opérations financières
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle constitue un pilier fondamental du contrôle de la transparence des financements politiques en permettant une traçabilité rigoureuse de chaque mouvement de fonds. Le compte doit préciser que le titulaire agit exclusivement en qualité de mandataire d’un candidat nommément désigné afin d’éviter toute confusion de patrimoine.
A. La méconnaissance d’une formalité substantielle du droit électoral
Le respect de l’obligation de dépôt d’un compte de campagne s’impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. La présentation par un expert-comptable est requise, sauf si les recettes et les dépenses n’excèdent pas un seuil fixé par décret pour les petits candidats. L’absence d’ouverture d’un compte bancaire empêche l’administration de vérifier l’origine des recettes et la nature exacte des dépenses engagées durant la période électorale. Cette carence technique prive le système de contrôle de son instrument principal de vérification et altère la sincérité des documents comptables produits par le candidat.
B. L’insuffisance des obstacles matériels comme cause d’exonération
La candidate invoquait les difficultés rencontrées par son mandataire pour procéder à l’ouverture d’un compte de dépôt en raison des congés estivaux bancaires. Le juge écarte cet argument en affirmant que « cette circonstance n’est pas de nature, à elle seule, à justifier la méconnaissance des obligations » légales. La jurisprudence constitutionnelle se montre traditionnellement stricte sur ce point, imposant aux candidats d’anticiper les délais nécessaires à l’accomplissement des formalités administratives. Les aléas de gestion courante ou les fermetures saisonnières des établissements de crédit ne sauraient constituer un cas de force majeure libératoire pour l’intéressée.
II. La répression du manquement par une mesure d’inéligibilité
Le rejet du compte de campagne par la Commission nationale entraîne systématiquement la saisine du juge constitutionnel pour apprécier l’éventuelle inéligibilité du candidat. L’article L.O. 136-1 prévoit cette sanction en cas de volonté de fraude ou de manquement présentant un degré de gravité particulièrement élevé. La décision commentée s’inscrit dans cette logique de moralisation de la vie publique en sanctionnant l’omission d’une règle élémentaire de discipline financière.
A. La confirmation du rejet des comptes par le juge de l’élection
Le Conseil constitutionnel observe que le grief relatif à l’absence de compte bancaire est matériellement établi par les pièces versées au dossier de procédure. Par suite, la décision retient que « c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté » le compte. Cette validation juridique confirme la compétence de l’autorité administrative pour écarter des documents comptables ne reposant sur aucun support bancaire unique et identifiable. Le juge refuse ainsi de régulariser a posteriori une situation qui porte atteinte à la cohérence globale du dispositif de surveillance des frais électoraux.
B. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité
Le Conseil considère que l’absence totale de compte bancaire unique représente une violation majeure justifiant une sanction immédiate sur la capacité à se porter candidat. « Compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », l’autorité juridictionnelle décide de déclarer la candidate inéligible à tout mandat pour une durée d’un an. Cette mesure de police électorale vise à écarter de la compétition politique ceux qui ne respectent pas les principes de transparence financière les plus élémentaires. Le juge assure ainsi l’égalité entre les compétiteurs en s’assurant que tous se soumettent aux mêmes exigences de traçabilité des fonds de campagne.