Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6413 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par sa décision rendue le 5 juin 2025 sous le numéro 2024-6413 AN, précise les conditions de transparence financière des scrutins législatifs. Un candidat ayant participé aux élections organisées les 30 juin et 7 juillet 2024 a omis de respecter les obligations comptables relatives à ses dépenses. L’autorité administrative de contrôle a saisi la haute juridiction le 5 décembre 2024 après avoir constaté le dépassement des délais de dépôt légaux. Le candidat devait soumettre ses documents financiers avant le 6 septembre 2024, mais il n’a effectué cette démarche administrative que le 17 septembre suivant. En outre, bien que le montant des dépenses déclarées dépasse le seuil de quatre mille euros, le compte n’a fait l’objet d’aucune certification professionnelle. La question posée au juge constitutionnel est de savoir si ce cumul de négligences temporelles et formelles constitue un manquement justifiant le prononcé d’une inéligibilité. Le juge affirme que la méconnaissance substantielle des règles de financement impose d’écarter le candidat de tout mandat électoral pour une période de trois ans. La méconnaissance des prescriptions législatives appelle une analyse des obligations formelles avant d’apprécier la portée de la sanction d’inéligibilité prononcée par la juridiction.

I. La méconnaissance des prescriptions temporelles et formelles du code électoral

A. L’irrespect du calendrier impératif de dépôt des comptes

« chaque candidat aux élections législatives […] est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Cette règle fondamentale garantit la transparence des fonds et permet un contrôle effectif de l’administration sur l’équilibre financier des campagnes électorales modernes. En l’espèce, le candidat a déposé son dossier avec onze jours de retard sans invoquer de circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier un tel délai. Le juge électoral rappelle que le respect des échéances est une condition sine qua non pour assurer l’égalité de traitement entre les différents candidats. L’irrégularité calendaire se double d’une méconnaissance des formes substantielles exigées pour la présentation des documents comptables au service de vérification.

B. Le défaut de présentation comptable par un professionnel agréé

Le code électoral dispose que le compte « doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen ». Cette obligation de certification s’applique obligatoirement dès que le montant des recettes ou des dépenses de la campagne dépasse le seuil réglementaire de quatre mille euros. Le candidat a choisi de soumettre ses comptes sans recourir à un professionnel malgré des flux financiers supérieurs au plafond légal autorisé pour une dispense. Cette absence de signature prive l’organisme de contrôle des garanties nécessaires quant à la sincérité et à l’exhaustivité des pièces justificatives fournies par l’intéressé. Ces manquements cumulés obligent le juge à tirer les conséquences juridiques de la violation des prescriptions d’ordre public relatives au financement politique.

II. L’application rigoureuse du régime de l’inéligibilité électorale

A. L’appréciation souveraine d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 prévoit qu’en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement », le Conseil constitutionnel peut déclarer le candidat défaillant inéligible. La juridiction estime que le cumul d’un retard de dépôt et d’un défaut de présentation par un expert-comptable constitue une violation grave des principes électoraux. Il ne ressort d’aucun élément du dossier que des obstacles insurmontables auraient empêché le respect des obligations comptables lors de cette consultation nationale. Le caractère substantiel de ces manquements fait obstacle à la mission de vérification dévolue à l’autorité administrative, justifiant ainsi une réaction juridictionnelle particulièrement ferme. La gravité ainsi établie commande le prononcé d’une sanction dont la durée doit assurer l’effectivité de la règle de droit méconnue.

B. La portée d’une sanction de trois ans sur l’avenir politique du candidat

Le juge déclare le candidat inéligible pour une durée de trois ans, appliquant ainsi une mesure de protection de la sincérité des futurs scrutins publics. Cette décision écarte temporairement l’intéressé de la vie politique active afin de sanctionner la négligence manifeste dont il a fait preuve durant sa campagne législative. La sévérité de la mesure souligne l’importance accordée par la jurisprudence constitutionnelle au respect scrupuleux des règles de financement comme pilier de la démocratie. Cette fermeté vise à moraliser les comportements électoraux en imposant aux futurs candidats une vigilance accrue dans la gestion comptable de leurs moyens de campagne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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