Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6413 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 juin 2025, une décision marquante concernant le contrôle des comptes de campagne lors des dernières élections législatives. Cette affaire concerne un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, seuil déclenchant l’obligation de transparence financière. Les faits révèlent un dépôt tardif du compte de campagne ainsi qu’une absence de certification par un expert-comptable malgré le dépassement des seuils légaux. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a donc saisi le juge constitutionnel pour statuer sur ces irrégularités.

Le litige porte sur l’application de l’article L.O. 136-1 du code électoral permettant de déclarer l’inéligibilité d’un candidat ayant méconnu les règles de financement. Les pièces du dossier démontrent que le candidat n’a produit aucune observation pour justifier les manquements constatés par l’organe de contrôle. Le problème juridique réside dans la détermination de la gravité de manquements cumulés relatifs aux délais de dépôt et aux modalités de présentation comptable. Le Conseil affirme que la méconnaissance injustifiée de ces obligations substantielles justifie une sanction d’inéligibilité pour une durée de trois ans.

I. L’exigence de transparence financière dans le financement électoral

A. Le respect impératif du calendrier et du formalisme comptable

L’article L. 52-12 du code électoral dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne ». Ce document doit être déposé à la commission compétente au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. En l’espèce, le délai expirait le 6 septembre 2024 mais le dépôt n’est intervenu que le 17 septembre suivant. Ce retard de onze jours constitue une première entorse aux dispositions législatives visant à garantir le contrôle rapide des fonds électoraux.

Le législateur impose également l’intervention d’un expert-comptable pour mettre le compte en état d’examen et s’assurer de la présence des pièces justificatives. Cette présentation n’est facultative que si le candidat obtient moins de 5 % des voix ou si les recettes restent sous un seuil réglementaire. Le compte litigieux présentait des montants supérieurs à 4 000 euros, rendant la certification professionnelle obligatoire pour valider la sincérité des écritures. Le candidat a pourtant transmis ses documents sans cette garantie technique essentielle au travail de vérification de l’administration.

B. L’absence de justification des irrégularités constatées

Le juge constitutionnel vérifie systématiquement si des circonstances exceptionnelles pourraient excuser le non-respect des formalités prescrites par le code électoral. La décision relève expressément qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». Cette approche rigoureuse protège l’égalité entre les candidats devant les charges administratives liées à la compétition électorale. Le silence de l’intéressé durant la phase contradictoire renforce ici le constat de carence dans la gestion de ses obligations comptables.

La présentation tardive d’un compte non certifié empêche la Commission nationale d’exercer sa mission de contrôle dans les délais impartis par la loi. Cette double négligence affecte directement la transparence du processus électoral en privant l’autorité de régulation des outils nécessaires à son expertise. Le respect des formes constitue une garantie substantielle du caractère démocratique du scrutin et non une simple contrainte administrative accessoire. L’absence de justification sérieuse conduit alors le juge à évaluer la sévérité de la sanction à appliquer au regard des faits.

II. La répression des manquements substantiels aux règles de campagne

A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité

Selon l’article L.O. 136-1, l’inéligibilité est encourue en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». Le Conseil n’a pas retenu l’intention frauduleuse mais s’est fondé sur l’importance objective des règles violées par le candidat. Le caractère substantiel des obligations méconnues découle de la fonction même du compte de campagne dans l’équilibre du droit électoral français. La combinaison d’un retard significatif et de l’absence de certification comptable caractérise ici une méconnaissance grave des prescriptions légales.

Le juge souligne le « cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues » pour justifier le prononcé d’une sanction d’inéligibilité. La sévérité de l’appréciation jurisprudentielle s’explique par la nécessité de prévenir toute dérive dans le financement de la vie politique nationale. Un candidat ne peut s’affranchir des règles de forme sans compromettre l’intégrité globale du système de plafonnement des dépenses électorales. La gravité est ainsi déduite de la nature même des omissions qui touchent au cœur du dispositif de contrôle financier.

B. La portée de la déclaration d’inéligibilité prononcée

La sanction prononcée interdit au candidat de se présenter à tout mandat électoral pour une durée fixée à trois années consécutives. Cette durée est devenue classique dans la jurisprudence constitutionnelle pour les manquements jugés sérieux mais dépourvus de manœuvres frauduleuses délibérées. Elle assure une fonction dissuasive tout en respectant le principe de proportionnalité entre la faute commise et l’atteinte au droit de suffrage. La décision produit ses effets immédiatement à compter de sa publication, écartant ainsi l’intéressé de la vie politique active.

Cette solution réaffirme la rigueur attendue de chaque citoyen se portant candidat à une fonction de représentation nationale au sein du Parlement. Elle confirme également la mission de régulateur exercée par le Conseil constitutionnel pour garantir la probité des élus et la clarté des comptes. La jurisprudence demeure constante en refusant de pardonner les négligences administratives qui altèrent la sincérité des bilans financiers de campagne. Cette fermeté garantit que seuls les candidats respectueux du cadre légal puissent participer durablement à l’exercice de la souveraineté nationale.

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Hassan KOHEN
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