Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6414 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, siégeant à Paris dans sa décision du 19 juin 2025, statue sur le respect des règles de financement des campagnes électorales lors des législatives de 2024. Un candidat ayant obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés dans sa circonscription n’a pas déposé son compte de campagne dans le délai légal.

La commission nationale compétente saisit le juge électoral le 13 décembre 2024 pour faire constater ce retard manifeste dans la transmission des documents comptables obligatoires. Le candidat invoque la méconnaissance des règles par son mandataire financier et des difficultés techniques pour joindre son expert-comptable durant la période de dépôt.

Le juge doit déterminer si le dépôt tardif du compte de campagne constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une peine d’inéligibilité immédiate de l’intéressé. Le Conseil constitutionnel relève que le délai expirait le 6 septembre 2024 alors que le dépôt effectif n’est intervenu que le 13 septembre suivant.

Il juge les motifs avancés inopérants pour écarter la sanction prévue par les dispositions du code électoral français relatives au financement de la vie politique nationale. L’examen de cette décision permet d’analyser la caractérisation du manquement aux obligations de financement électoral avant d’aborder la sanction prononcée au titre d’une particulière gravité.

I. La caractérisation d’un manquement aux obligations de financement électoral

A. Le non-respect impératif du délai légal de dépôt

Le code électoral impose aux candidats ayant atteint un seuil de suffrages exprimés de retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées. Cette obligation de transparence garantit l’égalité entre les prétendants et permet le contrôle de l’origine des fonds utilisés durant la période électorale.

Le Conseil constitutionnel rappelle que le dépôt doit s’effectuer « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ». En l’espèce, le candidat a méconnu cette date butoir en transmettant ses documents comptables avec une semaine entière de retard sur l’échéance légale.

B. L’insuffisance des justifications liées à l’organisation de la campagne

Le requérant tente de justifier son retard par l’ignorance de son mandataire financier concernant l’obligation de dépôt d’un compte de campagne régulier. Il souligne également des obstacles matériels pour contacter son expert-comptable ce qui aurait prétendument empêché la finalisation du dossier dans les temps impartis.

Cependant, le juge électoral estime qu’il « ne résulte pas de l’instruction que ces circonstances » étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations légales. La responsabilité du candidat demeure personnelle et les négligences de ses auxiliaires de campagne ne sauraient l’exonérer de ses devoirs comptables essentiels.

La reconnaissance de ce manquement injustifié conduit logiquement la juridiction constitutionnelle à s’interroger sur la sévérité de la sanction applicable au regard des textes organiques.

II. La sanction du manquement d’une particulière gravité

A. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée

L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les conditions de délai prescrites. Cette sanction vise à punir la volonté de fraude ou les manquements d’une particulière gravité aux règles fondamentales du financement de la vie politique.

Le Conseil constitutionnel considère que le retard constaté présente ici une gravité suffisante pour justifier l’application immédiate d’une mesure restrictive au droit de suffrage. Il prononce ainsi une inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la publication de la présente décision.

B. La rigueur du contrôle de la régularité des comptes de campagne

La jurisprudence constitutionnelle manifeste une sévérité constante à l’égard des candidats négligents afin de préserver la sincérité du scrutin et l’équilibre financier électoral. La méconnaissance d’un délai de forclusion est rarement pardonnée sauf en présence de circonstances exceptionnelles ou de cas de force majeure dûment prouvés.

Cette décision confirme que la complexité technique des opérations comptables ne dispense pas les acteurs politiques d’une vigilance accrue dès le début des opérations électorales. La discipline financière s’impose comme une condition sine qua non de la validité des candidatures aux fonctions représentatives au sein de la République.

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Hassan KOHEN
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