Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6417 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025, s’est prononcé sur les conséquences du défaut de dépôt d’un compte de campagne électorale. Un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024 a recueilli au moins un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin. Il était légalement tenu d’établir et de déposer un état de ses recettes et dépenses devant la commission nationale compétente. Le compte n’a jamais été transmis aux services de contrôle avant l’expiration du délai légal fixé par le code électoral. La commission nationale des comptes de campagne a saisi le juge électoral le 18 décembre 2024 pour constater cette carence déclarée. Le candidat n’a produit aucune observation pour justifier ce non-respect malgré la communication régulière de la saisine. La juridiction doit déterminer si l’omission totale de dépôt d’un compte de campagne constitue un manquement justifiant le prononcé d’une inéligibilité. Le Conseil constitutionnel affirme que l’absence de dépôt sans justification valable caractérise une violation substantielle des règles relatives au financement politique. La gravité de cette omission conduit le juge à écarter le candidat de la vie publique pour une durée déterminée. Le manquement aux obligations déclaratives justifie l’analyse de sa caractérisation juridique avant d’envisager les modalités de la sanction appliquée par la juridiction.

I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de transparence financière

A. L’exigence impérative de dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat soumis au plafonnement d’établir un compte de campagne pour ses opérations financières. Le juge rappelle que ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées » pour l’élection. Cette obligation comptable s’applique dès lors que le candidat obtient au moins un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour. La transmission doit impérativement intervenir avant le dixième vendredi suivant le scrutin auprès de la commission nationale des comptes de campagne. Le respect de cette formalité garantit la transparence du financement électoral et permet de vérifier le respect des plafonds de dépenses imposés. Le candidat concerné a totalement ignoré cette prescription législative alors qu’il se trouvait dans l’obligation juridique d’y satisfaire selon les textes.

B. L’absence de circonstances justificatives probantes

Le Conseil constitutionnel examine la présence éventuelle de motifs légitimes pouvant excuser le défaut de production des pièces comptables dans les délais. L’instruction menée par la juridiction n’a révélé aucune circonstance particulière de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant du code électoral. Le candidat n’a fourni aucun élément d’explication ni produit d’observations pour répondre à la saisine de la commission nationale des comptes de campagne. Le silence de l’intéressé tout au long de la procédure contentieuse empêche d’établir l’existence d’un cas de force majeure ou d’une erreur excusable. La juridiction constate que l’absence de dépôt est purement imputable à la négligence du candidat « alors qu’il y était tenu » par la loi. La carence déclarative est établie de manière certaine et sans aucune réserve possible au regard des pièces figurant au dossier d’instruction.

II. La rigueur de la sanction d’inéligibilité prononcée par le juge électoral

A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité

Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté ses devoirs de transparence. La juridiction apprécie souverainement si les faits reprochés présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier une privation du droit de suffrage. Le défaut total de dépôt du compte de campagne prive l’administration de toute possibilité de contrôle sur la régularité des financements utilisés. Une telle omission constitue une atteinte majeure à l’équilibre démocratique et à la clarté des opérations électorales menées au cours de la campagne. Le juge retient expressément « la particulière gravité de ce manquement » pour motiver le prononcé d’une sanction rigoureuse à l’encontre du candidat fautif. L’absence de volonté de fraude n’est pas nécessaire pour caractériser l’inéligibilité dès lors que la violation des règles fondamentales est constatée.

B. La portée de l’inéligibilité triennale sur l’exercice des mandats

Le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la décision. Cette période d’interdiction interdit à l’intéressé de se présenter à tout scrutin local ou national durant la durée fixée par le juge. La sanction prend effet immédiatement et sera publiée au Journal officiel de la République française selon les procédures habituelles de notification des décisions. Cette solution ferme confirme la volonté du juge constitutionnel de sanctionner sévèrement les candidats négligeant les instruments de contrôle du financement politique. La décision assure l’effectivité de la règle de droit en écartant temporairement de la scène électorale ceux qui s’affranchissent des obligations comptables. La protection de la probité publique exige une réponse juridictionnelle proportionnée à l’importance des enjeux liés à l’intégrité du suffrage universel.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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