Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6417 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision fondamentale concernant le respect des règles de financement lors des élections législatives de l’année 2024. Un candidat ayant franchi le seuil de un pour cent des suffrages exprimés n’a pas transmis son compte de campagne aux autorités de contrôle compétentes. L’autorité chargée de la vérification des financements politiques a saisi le juge électoral après avoir constaté cette omission majeure lors de ses opérations de contrôle régulières. Le litige porte sur l’application des dispositions du code électoral imposant la transparence des recettes et des dépenses engagées pour la conquête d’un mandat législatif national. Il convenait de déterminer si le défaut de dépôt d’un compte par un candidat tenu à cette obligation constituait un manquement justifiant une peine d’inéligibilité. Les juges ont considéré que l’intéressé n’avait pas déposé son document comptable dans les conditions prescrites alors que les seuils légaux de participation étaient pourtant atteints. Cette décision met en lumière la rigueur du contrôle exercé sur le financement électoral et précise les conditions du prononcé d’une peine d’inéligibilité de trois ans. L’analyse portera d’abord sur l’omission du dépôt obligatoire du compte de campagne avant d’aborder la mise en œuvre d’une sanction d’inéligibilité particulièrement rigoureuse.

I. L’omission du dépôt obligatoire du compte de campagne

A. Le non-respect des formalités prescrites par le code électoral

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat obtenant au moins un pour cent des suffrages d’établir et de déposer un compte de campagne. Ce document comptable doit retracer l’ensemble des recettes perçues ainsi que la totalité des dépenses engagées en vue de l’élection par le candidat concerné. Le juge constitutionnel souligne que le compte doit être déposé au plus tard avant dix-huit heures le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin électoral. Dans cette espèce, le candidat « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu » après le scrutin organisé durant le mois de juin. Le respect de ce calendrier strict garantit l’égalité entre les compétiteurs et permet un contrôle efficace de l’origine des fonds utilisés pendant la période électorale.

B. L’absence de circonstances justificatives de la carence du candidat

Le Conseil constitutionnel examine systématiquement si des motifs légitimes peuvent expliquer le retard ou l’absence de transmission des pièces comptables obligatoires par les candidats déclarés. L’instruction n’a révélé aucune cause extérieure ou imprévisible de nature à justifier la méconnaissance flagrante des obligations résultant des dispositions législatives en vigueur en France. Le silence du candidat, qui n’a produit aucune observation devant le juge malgré la communication de la saisine, renforce la caractérisation de la négligence fautive constatée. Il ne résulte pas des pièces du dossier que des « circonstances particulières » auraient pu entraver la bonne exécution des formalités administratives liées au financement électoral. Cette carence injustifiée entraîne l’application de mesures de rétorsion dont la sévérité est strictement encadrée par les dispositions organiques régissant le contentieux des élections législatives françaises.

II. La mise en œuvre d’une sanction d’inéligibilité rigoureuse

A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité

Selon l’article L.O. 136-1, le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles. Le Conseil constitutionnel estime que l’absence totale de dépôt prive l’administration et le juge de tout moyen de contrôler la régularité financière de la campagne électorale. Cette faute prive les électeurs d’une garantie essentielle de probité et constitue par nature une violation substantielle des principes de transparence de la vie publique nationale. Les juges retiennent ici « la particulière gravité de ce manquement » pour motiver le prononcé d’une sanction frappant la capacité électorale de l’intéressé pour plusieurs années.

B. La portée de l’inéligibilité fixée pour une durée triennale

La décision prive le candidat du droit de se présenter à tout mandat électoral pour une durée de trois ans à compter de sa publication officielle. Cette période correspond à la durée maximale autorisée par les textes lorsque le manquement aux obligations de transparence est jugé suffisamment important par le juge électoral. Le juge constitutionnel dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour adapter la durée de l’inéligibilité en fonction de l’intensité de la fraude ou de la négligence. Le dispositif assure l’effectivité de la règle de droit en écartant durablement de la vie politique les individus méconnaissant les principes fondamentaux du financement électoral légal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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