Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 avril 2025, une décision relative à la conformité aux droits et libertés de l’article 719 du code de procédure pénale. Cette disposition énumère limitativement les lieux de privation de liberté accessibles aux parlementaires ainsi qu’aux représentants de l’ordre des avocats. Le Conseil d’État a, par une décision numéro 498798 du 29 janvier 2025, renvoyé cette question prioritaire de constitutionnalité à la suite d’un recours. Les requérants dénonçaient l’exclusion des locaux de sûreté des juridictions de la liste des lieux pouvant faire l’objet d’un droit de visite. Ils invoquaient notamment une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi ainsi que de l’exigence de sauvegarde de la dignité humaine. Le problème juridique résidait dans le caractère restrictif de la liste légale excluant les cellules d’attente situées au sein des palais de justice. Le Conseil constitutionnel juge que cette exclusion instaure une distinction injustifiée entre les personnes détenues selon leur lieu de rétention. Il censure ainsi le premier alinéa de l’article 719 du code de procédure pénale pour violation de l’article 6 de la Déclaration de 1789. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’affirmation du principe d’égalité dans le contrôle de l’enfermement avant d’envisager la portée de cette censure.
I. L’affirmation du principe d’égalité dans le contrôle des lieux de privation de liberté
A. L’identification d’une omission législative injustifiée
Le législateur a entendu instaurer un droit de visite pour certaines autorités dans les locaux où une personne se trouve privée de sa liberté. Les dispositions contestées visent les locaux de garde à vue, de retenue douanière, les établissements pénitentiaires ou encore les centres éducatifs fermés. Le Conseil constitutionnel relève pourtant que « les lieux de privation de liberté situés au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel ne figurent pas au nombre de ceux pouvant faire l’objet du droit de visite ». Cette absence crée un vide dans le contrôle extérieur des conditions de détention pour les personnes en attente de leur présentation devant un magistrat. L’analyse des travaux préparatoires démontre la volonté initiale de couvrir l’ensemble des cadres procéduraux impliquant une contrainte physique sur les individus. Cette insuffisance législative conduit naturellement à interroger la validité constitutionnelle de la distinction opérée entre les différents régimes de détention.
B. La sanction d’une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi
La loi doit être la même pour tous selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le Conseil constitutionnel rappelle que toute différence de traitement doit être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Or, le droit de visite vise à garantir le respect des droits fondamentaux dans tous les espaces clos où s’exerce la force publique. En l’espèce, le juge constitutionnel affirme que « la différence de traitement instituée par les dispositions contestées est sans rapport avec l’objet de la loi ». L’exclusion des dépôts judiciaires ne repose sur aucun critère objectif justifiant un régime de surveillance distinct de celui des commissariats. Cette rupture d’égalité justifie à elle seule la déclaration d’inconstitutionnalité de la disposition législative, dont il convient désormais d’analyser la portée juridique.
II. La portée mesurée d’une censure protectrice des libertés individuelles
A. La consécration d’un droit de regard universel sur l’enfermement
La décision renforce la mission de vigilance confiée aux élus et aux représentants des avocats sur les conditions matérielles de la rétention. Cette prérogative constitue une garantie essentielle contre les traitements inhumains ou dégradants dans les lieux soustraits au regard immédiat du public. Le Conseil constitutionnel souligne l’importance d’un contrôle effectif pour les personnes « maintenues à la disposition de la justice, dans l’attente de leur présentation à un magistrat ». La solution s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel favorable à l’extension des mécanismes de protection des droits des justiciables privés de liberté. L’inclusion future des geôles judiciaires dans le champ de l’article 719 assure une cohérence globale au dispositif de surveillance de la force publique.
B. L’aménagement temporel des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité
Le Conseil constitutionnel utilise son pouvoir de modulation des effets de l’abrogation conformément au deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution. Une annulation immédiate supprimerait purement et simplement le droit de visite existant pour les parlementaires et les bâtonniers dans les autres lieux. Une telle conséquence serait « manifestement excessive » au regard de l’objectif de protection des libertés individuelles poursuivi par le législateur. La juridiction décide donc de reporter la date de l’abrogation au 30 avril 2026 pour permettre une intervention nécessaire du Parlement. Ce délai laisse au pouvoir législatif le soin de définir les modalités d’accès aux dépôts judiciaires tout en préservant l’acquis des contrôles actuels.