Par sa décision du 23 mai 2025, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité de l’article L. 523-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Cette disposition, issue de la loi du 26 janvier 2024, permettait de placer en rétention un demandeur d’asile présentant une menace pour l’ordre public. Saisi par le Conseil d’État le 6 mars 2025, le juge devait apprécier si cette mesure respectait la liberté individuelle protégée par l’article 66 de la Constitution. Les requérants dénonçaient une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux, l’administration pouvant priver de liberté un individu sans engager de procédure d’éloignement préalable. Le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution en raison du manque de garanties entourant le recours à la rétention administrative. L’examen des motifs de cette censure précèdera l’analyse de la protection renforcée dont bénéficie désormais la liberté individuelle des demandeurs d’asile.
I. L’inconstitutionnalité du placement en rétention fondé sur des critères imprécis
A. Le rejet de la simple menace à l’ordre public comme motif autonome de privation de liberté
Le premier alinéa de l’article L. 523-1 permettait le placement en rétention si le comportement de l’étranger constituait une simple menace à l’ordre public. Le Conseil constitutionnel relève que la loi autorisait cette mesure « sans autre condition tenant notamment à la gravité et à l’actualité de cette menace ». L’absence de critères précis quant à la nature du trouble reproché fragilise la base légale de cette privation de liberté individuelle. Le juge souligne avec fermeté que l’objectif de sauvegarde de l’ordre public « n’est pas de nature à justifier une privation de liberté pour ce seul motif ». Cette décision impose ainsi un contrôle strict de la nécessité des mesures de police administrative affectant la liberté d’aller et de venir.
B. L’insuffisance du risque de fuite fondé sur de simples délais de procédure
La seconde phrase du second alinéa visait le risque de fuite pour justifier la rétention de l’étranger demandant l’asile hors des délais légaux. Le juge observe que ce risque était présumé par le législateur dès lors que la demande intervenait après quatre-vingt-dix jours de présence. Cependant, il estime que « ces circonstances ne caractérisent pas nécessairement un risque de fuite » au sens des exigences constitutionnelles de protection individuelle. L’administration ne saurait se dispenser d’une appréciation concrète des garanties de représentation de l’intéressé pour valider une mesure de rétention prolongée. Cette exigence d’une évaluation individuelle fait obstacle à l’application de critères purement temporels ou automatiques contraires à la dignité de la personne.
II. La réaffirmation de la protection constitutionnelle de la liberté individuelle des étrangers
A. Une conciliation nécessaire entre sauvegarde de l’ordre public et liberté individuelle
La Constitution garantit aux étrangers des droits qui ne sont certes pas absolus, mais dont la limitation doit demeurer strictement proportionnée aux buts poursuivis. Le Conseil constitutionnel rappelle que la liberté individuelle « ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire » dans le cadre des contrôles migratoires. Il lui appartient de veiller à la conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect des libertés fondamentales. En l’espèce, le législateur a méconnu cette exigence en autorisant une rétention déconnectée de toute perspective raisonnable d’éloignement du territoire national. Le principe de nécessité des mesures privatives de liberté s’oppose à une instrumentalisation de la rétention à des fins de simple surveillance administrative.
B. Les effets immédiats de la déclaration d’inconstitutionnalité sur le droit positif
La déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par les sages entraîne l’abrogation immédiate des mots contestés à la date de publication de la décision officielle. Le juge a précisé qu’aucun motif ne justifiait de reporter les effets de cette censure, garantissant ainsi une application rapide du droit nouveau. Cette solution est « applicable à toutes les affaires non jugées définitivement » à la date du 23 mai 2025, offrant une protection effective aux justiciables. La suppression de ces dispositions oblige désormais le pouvoir réglementaire à redéfinir les conditions de l’assignation à résidence pour les demandeurs d’asile. Cette portée renforce la hiérarchie des normes en soumettant l’efficacité de la police des étrangers au respect scrupuleux de la liberté individuelle.