Par une décision rendue le 12 juin 2025, le Conseil constitutionnel a statué sur la répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire. Le Premier ministre a sollicité le déclassement de plusieurs articles du code des postes et des communications électroniques relatifs au service universel postal. Ces dispositions désignent l’opérateur chargé de cette mission d’intérêt général et fixent la durée de son mandat pour une période de quinze ans. La question posée consistait à savoir si la détermination nominative d’un prestataire et la durée de son exercice affectent les principes fondamentaux des obligations. Les juges ont estimé que ces mesures « ne mettent ainsi pas en cause les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales » définis par l’article 34. En conséquence, le Conseil a déclaré que les textes examinés présentent un caractère réglementaire et peuvent être modifiés par décret après avis du Conseil d’État.
I. L’exclusion du choix du prestataire du domaine de la loi
A. Une désignation technique dépourvue de portée normative fondamentale
Le juge constitutionnel souligne que les dispositions litigieuses « se bornent à désigner le prestataire en charge de ce service et à fixer la durée de cette désignation ». Cette formulation indique que l’identification d’un acteur spécifique ne constitue pas une règle de droit générale touchant au régime des obligations. La désignation d’un opérateur historique pour assurer la mission de service universel postal relève d’une mesure de police administrative ou d’organisation technique. Le législateur ne peut donc prétendre à une compétence exclusive pour une décision qui ne modifie pas la structure profonde des rapports contractuels ou civils. La précision temporelle de quinze ans est également perçue comme un simple paramètre de gestion dépourvu de caractère législatif essentiel pour la collectivité.
B. La préservation de l’intégrité des principes des obligations civiles
L’analyse de la juridiction repose sur une lecture rigoureuse de l’article 34 de la Constitution concernant le domaine réservé à la loi nationale. Le Conseil constitutionnel affirme que les articles examinés « ne mettent ainsi pas en cause les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales » lors de l’exécution du service. La désignation d’un prestataire unique n’altère pas les règles de responsabilité ou les conditions générales de validité des engagements souscrits par les usagers. Les droits et obligations réciproques entre le prestataire et ses clients demeurent régis par les normes législatives préexistantes sans subir d’inflexion notable. Cette interprétation garantit que seules les transformations substantielles du droit des contrats ou de la propriété restent soumises au contrôle du Parlement.
II. L’affirmation de la compétence du pouvoir réglementaire
A. Le caractère accessoire des modalités temporelles d’exécution
La décision mentionne les articles précisant les conditions d’exécution de la mission de service universel postal qui font référence à l’opérateur en tant que prestataire. Le juge estime que la mention répétée de cet organisme dans le code ne suffit pas à conférer une nature législative à ces dispositions. Ces précisions sont jugées accessoires car elles concernent l’application concrète d’une mission dont les grandes lignes sont déjà fixées par d’autres textes. La fixation d’un calendrier de mise en œuvre ou d’une durée de délégation appartient traditionnellement à la sphère d’action de l’autorité administrative compétente. Le Conseil refuse ainsi de sacraliser des mesures qui relèvent davantage de l’opportunité politique ou de la gestion courante des services publics nationaux.
B. La reconnaissance de la nature administrative des mesures d’organisation
Le dispositif conclut que les dispositions soumises à l’examen « ont un caractère réglementaire » en raison de leur objet strictement organisationnel et non normatif. Cette solution permet au gouvernement de modifier par décret les modalités de désignation du prestataire sans recourir à une nouvelle procédure législative complexe. Le Conseil constitutionnel veille à ne pas encombrer le domaine de la loi avec des détails matériels qui doivent rester souples et adaptables. La protection du domaine de l’article 37 de la Constitution est ici réaffirmée pour assurer l’efficacité de l’action administrative dans le secteur postal. Cette décision clarifie la frontière entre la définition des principes de service public et les mesures nominatives nécessaires à son fonctionnement quotidien.