Par une décision en date du 6 juin 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conséquences du défaut de dépôt d’un compte de campagne par une candidate à une élection législative. En l’espèce, une candidate aux élections des 30 juin et 7 juillet 2024 avait obtenu un score supérieur à 1 % des suffrages exprimés, ce qui l’astreignait légalement à établir et déposer un compte de campagne retraçant ses recettes et ses dépenses. Or, à l’expiration du délai légal, fixé au dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, aucun compte n’avait été déposé par l’intéressée. Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la haute juridiction a été amenée à examiner la situation de la candidate, laquelle a présenté pour sa défense des observations écrites faisant état de difficultés rencontrées pour ouvrir un compte bancaire. Il appartenait donc au Conseil constitutionnel de déterminer si l’absence de dépôt du compte de campagne, nonobstant les difficultés matérielles alléguées, constituait un manquement d’une particulière gravité de nature à justifier le prononcé d’une sanction d’inéligibilité. Le juge a répondu par l’affirmative, estimant que ce manquement justifiait de prononcer une inéligibilité pour une durée de trois ans, confirmant ainsi la rigueur de sa jurisprudence en matière de transparence de la vie politique.
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I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de financement électoral
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur une analyse en deux temps, constatant d’abord l’existence d’une violation objective des textes avant de rejeter les arguments avancés pour la justifier.
A. La constatation objective du défaut de dépôt du compte
Le raisonnement du juge s’appuie en premier lieu sur les dispositions claires de l’article L. 52-12 du code électoral. Ce texte impose à tout candidat ayant recueilli au moins 1 % des suffrages exprimés l’obligation de produire un compte de campagne. Cette exigence constitue une pièce maîtresse du dispositif de contrôle du financement des élections, visant à assurer la transparence et l’égalité entre les candidats. En l’espèce, le Conseil constitutionnel relève sans ambiguïté que la candidate remplissait la condition de seuil électoral mais ne s’est pas soumise à son obligation déclarative. Il prend soin de le souligner dans un considérant purement factuel : « À l’expiration du délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral, elle n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’elle y était tenue ». La violation de la loi est donc matériellement établie, le simple fait de ne pas déposer le compte dans les délais impartis suffisant à constituer le manquement. La démarche du juge est ici purement objective, se limitant à confronter la situation de fait avec la règle de droit applicable.
B. L’indifférence des difficultés matérielles invoquées
Face à ce manquement avéré, la candidate a tenté de se justifier en invoquant les difficultés qu’elle aurait éprouvées pour ouvrir un compte bancaire dédié à sa campagne. Cet argument est cependant écarté par le Conseil constitutionnel avec une grande fermeté. Le juge considère en effet que les éléments fournis ne sont pas de nature à excuser la méconnaissance d’une obligation légale aussi fondamentale. Il précise ainsi qu’« il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance ni aucune autre circonstance particulière étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». Cette formule révèle une appréciation stricte des causes exonératoires, qui doivent présenter un caractère insurmontable, proche de la force majeure, pour être admises. En refusant de prendre en considération de simples difficultés procédurales, le Conseil constitutionnel signifie que la responsabilité de l’organisation matérielle de la campagne incombe pleinement au candidat, qui doit anticiper et surmonter de tels obstacles. La solution souligne que la bonne foi ou les difficultés rencontrées sont inopérantes face à la gravité objective du manquement à une règle essentielle du processus démocratique.
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II. La confirmation d’une sanction exemplaire au service de la transparence financière
En prononçant une peine d’inéligibilité, le Conseil constitutionnel ne fait pas seulement application de la loi à un cas d’espèce, il réaffirme la portée d’une sanction devenue un instrument essentiel de la moralisation de la vie politique.
A. Le prononcé rigoureux de la sanction d’inéligibilité
La sanction de l’inéligibilité est prévue par l’article L.O. 136-1 du code électoral, qui permet au juge de la prononcer en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Dans sa décision, le Conseil constitutionnel qualifie explicitement le défaut de dépôt de compte de campagne de manquement de cette nature. Il en déduit logiquement la nécessité de sanctionner la candidate : « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme FALDON à tout mandat pour une durée de trois ans ». La durée de trois ans, bien que modulable en théorie, correspond à la sanction quasi systématiquement appliquée en pareille situation, démontrant une politique jurisprudentielle constante. Cette automaticité de la sanction vise à priver le juge de toute marge d’appréciation subjective excessive et à envoyer un signal clair quant au caractère non négociable des obligations de transparence financière. La décision n’est donc pas une simple punition, elle revêt une dimension préventive et dissuasive.
B. La portée pédagogique d’une jurisprudence constante
Au-delà du cas individuel, cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle bien établie qui confère aux règles de financement des campagnes une force normative considérable. En sanctionnant sévèrement une candidate pour un manquement procédural, le juge électoral rappelle à tous les acteurs politiques que ces formalités sont en réalité des exigences substantielles de la démocratie. La décision a une portée pédagogique indéniable : elle réaffirme que la transparence financière n’est pas une option, mais le fondement de la confiance des citoyens et de l’équité de la compétition électorale. En refusant de considérer les difficultés d’ouverture d’un compte bancaire comme une excuse valable, le Conseil constitutionnel renforce l’idée que les candidats ont une obligation de diligence et de prévoyance. Cette jurisprudence constante et rigoureuse contribue ainsi à façonner une culture de la responsabilité, où chaque candidat est le premier garant de la régularité de sa propre campagne. La solution, bien que sévère pour l’intéressée, participe de la consolidation de l’État de droit en matière électorale.