Par la décision n° 2025-6429 AN rendue le 6 juin 2025, le Conseil constitutionnel a statué sur l’inéligibilité d’une candidate aux élections législatives de 2024. L’organe chargé du contrôle des financements politiques a saisi le juge par une décision du 12 décembre 2024 pour dénoncer l’absence de dépôt du compte. L’intéressée avait obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin, ce qui imposait la justification de l’ensemble de ses dépenses électorales. Faute d’avoir transmis les pièces comptables dans le délai de dix semaines suivant le premier tour, elle s’exposait à une déclaration d’inéligibilité immédiate. Pour sa défense, la candidate invoquait des obstacles concrets liés à l’ouverture d’un compte bancaire, argument qu’elle jugeait de nature à justifier son retard. La question posée au juge consistait à déterminer si ce défaut de dépôt constituait un manquement d’une gravité suffisante pour justifier une sanction d’inéligibilité. En retenant la gravité de la faute, la juridiction écarte les arguments de la candidate et prononce une interdiction de se présenter pour trois années. Il convient d’analyser la constatation du manquement aux obligations comptables (I), puis d’étudier le prononcé d’une inéligibilité sanctionnant l’atteinte caractérisée à la transparence électorale (II).
**I. La constatation objective d’une méconnaissance grave des obligations de financement**
**A. Le caractère impératif du dépôt pour les candidats franchissant le seuil légal**
L’article L. 52-12 du code électoral dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne » dès son entrée en lice. Cette obligation s’impose impérativement dès lors que l’intéressé obtient au moins un pour cent des suffrages exprimés ou bénéficie de dons versés par des personnes physiques. Le document doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection tout en respectant une exigence d’équilibre ou d’excédent financier au dépôt final. La transmission doit s’effectuer « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » sous peine de s’exposer aux sanctions prévues. L’obligation de dépôt se heurte toutefois aux justifications de la candidate qu’il convient désormais d’évaluer au regard de la jurisprudence établie par le juge électoral.
**B. L’insuffisance des justifications relatives aux difficultés matérielles de l’intéressée**
Pour justifier son omission, la candidate invoquait devant le juge les obstacles persistants rencontrés lors des démarches entreprises pour procéder à l’ouverture de son compte bancaire spécifique. La juridiction écarte ce moyen en relevant qu’il ne résulte nullement de l’instruction que ces faits puissent valablement expliquer la méconnaissance des obligations de financement électoral. Le juge précise qu’ »aucune autre circonstance particulière » n’était de nature à légitimer l’absence de dépôt du compte dans les conditions et les délais strictement prescrits par la loi. Cette rigueur assure le respect de l’égalité devant la loi et empêche que des incidents administratifs ne deviennent un instrument pour échapper au contrôle de l’autorité. La caractérisation de cette faute comptable inéluctable conduit alors la juridiction à faire usage de son pouvoir de sanction pour protéger la sincérité du scrutin démocratique.
**II. Le prononcé d’une sanction d’inéligibilité garantissant la transparence électorale**
**A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité**
Selon les dispositions du code électoral, la juridiction peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte en présence d’un « manquement d’une particulière gravité ». L’absence totale de transmission du document est qualifiée de faute lourde car elle empêche toute vérification de la sincérité des recettes et du respect du plafonnement légal. Le juge motive son arrêt « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », confirmant ainsi sa volonté de réprimer l’opacité financière lors des consultations électorales nationales. Cette qualification permet d’assurer l’efficacité du système de contrôle sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention frauduleuse dès lors que le dépôt fait totalement défaut. La qualification de la gravité du manquement détermine ensuite l’étendue de la mesure d’inéligibilité prononcée par le juge pour garantir la probité publique nécessaire.
**B. La durée de l’inéligibilité comme instrument de préservation de la probité publique**
Faisant application du code électoral, le juge déclare la candidate inéligible « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision » publiée officiellement. La durée de trois ans témoigne de la sévérité attachée à la protection de la transparence financière, pilier fondamental de la confiance des citoyens dans leurs représentants politiques. La décision préserve l’ordre public en écartant de la compétition électorale des personnes n’ayant pas respecté les règles comptables essentielles à la régularité des scrutins à venir. Ce rappel à l’ordre jurisprudentiel souligne que la rigueur budgétaire constitue un préalable indispensable à l’exercice légitime d’un mandat électif au sein de la république démocratique. Le respect des formes et des délais demeure une condition de validité de toute candidature afin d’assurer la moralisation durable de la vie politique française.