Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 5 juin 2025, statue sur le respect des obligations de financement des campagnes électorales. Un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024 dans le département a obtenu plus de 1 % des suffrages. Ce dernier n’a toutefois pas déposé son compte de campagne auprès de l’autorité compétente dans le délai légal imparti. Saisie le 8 janvier 2025 par l’organe administratif, la juridiction devait apprécier la régularité de cette situation financière électorale. Le candidat invoquait le refus d’un établissement bancaire d’ouvrir un compte de dépôt pour justifier son manquement aux prescriptions légales. La question posée au juge consistait à déterminer si le défaut de dépôt du compte de campagne caractérisait un manquement d’une particulière gravité. Le juge estime que l’absence de dépôt constitue une méconnaissance caractérisée des obligations et prononce une inéligibilité de trois ans. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’exigence impérative de transparence financière (I), puis d’examiner la sévérité de la sanction prononcée (II).
**I. La rigueur de l’obligation de dépôt du compte de campagne**
**A. Le caractère automatique de l’assujettissement au contrôle financier**
Aux termes de l’article L. 52-12 du code électoral, tout candidat obtenant au moins 1 % des suffrages exprimés est « tenu d’établir un compte de campagne ». Cette obligation assure la transparence des sources de financement et le respect du plafonnement des dépenses engagées pour l’élection. En l’espèce, le candidat avait atteint ce seuil lors du scrutin des 30 juin et 7 juillet 2024 dans sa circonscription. Le juge rappelle que ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ». Le dépôt doit intervenir avant le dixième vendredi suivant le premier tour, garantissant ainsi un contrôle effectif par l’autorité administrative. L’absence de dépôt place l’administration et le juge dans l’impossibilité de vérifier la probité des opérations financières réalisées par le candidat.
**B. L’inefficacité des obstacles bancaires comme motif d’exonération**
Le requérant tentait de justifier son retard par le refus persistant d’un établissement bancaire de procéder à l’ouverture d’un compte de dépôt. Le Conseil constitutionnel écarte cet argument en soulignant qu’il « ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance » puisse légitimer la méconnaissance des règles. Le droit au compte prévu par le code monétaire et financier permet normalement de pallier les refus opposés par les organismes privés. Le candidat doit accomplir toutes les diligences nécessaires auprès de la banque centrale pour obtenir la désignation d’un établissement d’office. La négligence du candidat dans le suivi de ces démarches administratives rend par conséquent le manquement imputable à sa seule imprévoyance. Cette rigueur dans l’appréciation des excuses présentées justifie la mise en œuvre d’une réponse juridictionnelle particulièrement ferme.
**II. La sanction d’un manquement à l’intégrité du scrutin**
**A. La qualification juridique de la particulière gravité**
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité ». Le Conseil constitutionnel estime ici que l’absence totale de dépôt du compte de campagne entre dans cette catégorie juridique spécifique. La soustraction volontaire au contrôle de l’autorité compétente empêche toute vérification de l’équilibre financier ou de l’origine des fonds perçus. Cette omission prive les citoyens d’une garantie essentielle quant à l’égalité de traitement entre les différents prétendants au mandat parlementaire. La juridiction souveraine considère ainsi que le défaut de transparence constitue une atteinte directe aux principes fondamentaux régissant la vie démocratique. Le juge n’a pas besoin de constater une fraude délibérée pour retenir la gravité exceptionnelle justifiant l’application d’une sanction.
**B. La proportionnalité de l’inéligibilité de trois ans**
Constatant la réalité du grief, le Conseil constitutionnel prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans ». Cette durée s’inscrit dans l’échelle des peines prévues par le législateur organique pour réprimer les manquements les plus substantiels. Elle court dès lors à compter de la date de la décision, interdisant toute participation aux scrutins nationaux durant cette période. Cette mesure prévient le renouvellement d’une candidature qui ne respecterait pas les exigences de sincérité financière attachées aux fonctions publiques. La décision assure enfin une fonction pédagogique visant à maintenir la confiance des électeurs dans le financement de la vie politique. L’autorité de la chose jugée garantit que les règles comptables demeurent le socle indispensable de toute compétition électorale régulière.