Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6430 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 5 juin 2025, a statué sur la situation d’un candidat n’ayant pas respecté ses obligations comptables. Le litige porte sur la transparence financière imposée aux prétendants à la députation ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages lors du scrutin.

À la suite des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, un candidat ayant franchi ce seuil n’a pas déposé son compte de campagne. L’intéressé a obtenu le score requis dans la deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence, mais il a omis de transmettre ses documents dans le délai légal.

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 8 janvier 2025 pour constater cette carence. Le candidat a présenté ses observations le 24 mars 2025, invoquant notamment le refus d’un établissement bancaire d’ouvrir un compte de dépôt pour sa campagne.

La question posée au juge est de savoir si le défaut de dépôt d’un compte de campagne, justifié par des difficultés bancaires, constitue un manquement grave. Il convient de déterminer si une telle omission justifie le prononcé d’une inéligibilité sur le fondement des dispositions organiques du code électoral français.

Le Conseil constitutionnel décide que l’absence de dépôt, malgré les justifications produites, caractérise un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction de trois ans. L’analyse portera d’abord sur la rigueur du cadre légal du financement électoral avant d’étudier la proportionnalité de la sanction d’inéligibilité prononcée ici.

I. Le constat d’une méconnaissance caractérisée des obligations de dépôt du compte de campagne

A. Le caractère impératif des délais de dépôt imposés par le code électoral

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins un pour cent des suffrages. Ce document doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. Cette règle garantit la transparence du financement de la vie politique et permet un contrôle efficace de l’origine et de la nature des fonds engagés.

Le candidat n’a pas transmis ses écritures comptables dans les délais prescrits, bien qu’il ait franchi le seuil de voix rendant cette formalité obligatoire pour lui. Le juge rappelle que le compte doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées en vue de l’élection sous peine de sanctions sévères. Cette obligation stricte assure l’égalité entre les candidats et prévient les risques de financements occultes ou dépassant les plafonds autorisés par le législateur national.

B. L’insuffisance des difficultés bancaires invoquées comme motif d’exonération

Le candidat tentait de justifier son manquement en invoquant le refus de sa banque d’ouvrir un compte de dépôt indispensable pour retracer les mouvements financiers. La décision précise qu’il « ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance ni aucune autre circonstance particulière étaient de nature à justifier la méconnaissance » des obligations. Le juge constitutionnel estime ainsi que les obstacles matériels rencontrés par le justiciable ne l’exonèrent pas de son devoir de transparence financière élémentaire.

La juridiction souligne qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles démontrées, l’omission totale de dépôt prive l’organe de contrôle de sa mission de vérification de la régularité. Ce défaut de coopération avec la Commission nationale des comptes de campagne est perçu comme une méconnaissance délibérée des règles fondamentales du droit électoral en vigueur. L’impossibilité alléguée de se conformer à la loi ne saurait suffire à écarter la responsabilité du candidat face à ses obligations de mandataire financier.

II. La rigueur de la sanction prononcée face à un manquement d’une particulière gravité

A. La qualification juridique souveraine du manquement par le juge constitutionnel

Selon l’article L.O. 136-1, le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte en cas de volonté de fraude ou de manquement grave. Le Conseil constitutionnel retient ici la notion de « particulière gravité » pour qualifier l’absence de transmission des pièces comptables par le candidat à la députation nationale. Cette qualification permet d’enclencher le régime des sanctions organiques prévues pour protéger la sincérité du scrutin et l’équité financière des campagnes électorales modernes.

La décision insiste sur le fait que le respect des délais et des formes de dépôt est un pilier essentiel du contrôle des finances politiques françaises. En qualifiant ainsi le manquement, le juge affirme sa volonté de sanctionner fermement les comportements qui empêchent le contrôle effectif des comptes par l’autorité administrative. La gravité est ici déduite de l’atteinte portée à l’ordre public électoral par l’absence totale de visibilité sur les flux financiers du candidat concerné.

B. L’effectivité de l’inéligibilité triennale dans le contentieux électoral contemporain

Face à cette carence majeure, le Conseil constitutionnel prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Cette durée, bien que n’atteignant pas le maximum légal de dix ans, marque la sévérité du juge envers ceux qui ignorent les règles de dépôt. La sanction vise à écarter de la vie publique, pour une période significative, les acteurs ne présentant pas les garanties de probité financière nécessaires.

L’article premier du dispositif confirme cette mesure en privant l’intéressé de son droit de se porter candidat lors des prochaines échéances électorales prévues sur le territoire. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse de transiger avec l’obligation de dépôt du compte de campagne pour les candidats représentatifs. La décision sera publiée au Journal officiel de la République française afin d’assurer l’information des électeurs et la pleine exécution de la sanction prononcée.

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Hassan KOHEN
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