Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6432 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2025-6432 AN du 6 juin 2025, s’est prononcé sur les conséquences du défaut de dépôt d’un compte de campagne.

Un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024 n’a pas transmis son état comptable à la Commission nationale des comptes de campagne. Bien que ce dernier ait recueilli moins de 1 % des suffrages, il n’avait pas procédé à la restitution des carnets de reçus-dons préfectoraux. La commission a donc saisi le juge constitutionnel le 13 janvier 2025 pour faire constater la méconnaissance des dispositions impératives du code électoral. Le litige soulève la question de savoir si la simple possession de carnets de reçus non utilisés suffit à imposer l’établissement d’un compte de campagne. Les juges considèrent que cette situation fait présumer la perception de dons et justifie, en l’absence de preuve contraire, une sanction d’inéligibilité de trois ans. L’étude de la présomption de perception de dons précédera l’analyse de la sanction d’inéligibilité retenue en raison de la gravité du manquement constaté.

I. La présomption d’activité financière liée à la détention des supports de collecte

A. L’obligation de dépôt du compte de campagne malgré un faible score électoral

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats l’établissement d’un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection. Cette obligation s’applique normalement aux candidats obtenant au moins 1 % des suffrages exprimés ou bénéficiant de dons consentis par des personnes physiques identifiées. Le juge constitutionnel précise que le candidat ne pouvait être regardé comme n’ayant pas bénéficié de dons dès lors qu’il possédait encore ses carnets de reçus. La détention de ces documents administratifs constitue un indice matériel suffisant pour présumer l’existence de flux financiers nécessitant un contrôle de la commission nationale.

B. Le caractère réfragable de la présomption de perception de dons privés

Le Conseil énonce que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption légale peut être combattue par tous moyens, offrant ainsi au candidat la possibilité de démontrer l’absence réelle de tout financement de tiers. L’intéressé n’a toutefois produit aucun justificatif de nature à renverser cette preuve, malgré la communication préalable de la saisine effectuée par l’autorité administrative. Le silence du candidat durant la procédure contentieuse confirme alors l’obligation de dépôt du compte de campagne dont la méconnaissance est désormais juridiquement établie.

II. La sanction de l’inéligibilité proportionnée à la méconnaissance des règles comptables

A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité du manquement

La juridiction constitutionnelle doit évaluer si le défaut de dépôt résulte d’une volonté délibérée de dissimulation ou d’une négligence incompatible avec la probité électorale. Le texte souligne qu’il ne résulte pas de l’instruction que des « circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » de l’article L. 52-12. L’absence d’observations produites par l’intéressé empêche la caractérisation d’un motif légitime ou d’un cas de force majeure susceptible d’écarter la sanction prévue par la loi. Le Conseil retient alors la « particulière gravité de ce manquement » pour justifier l’application d’une mesure restrictive à l’exercice du droit de suffrage passif.

B. La durée de l’inéligibilité fixée au regard des impératifs de transparence

Le juge déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Cette sanction prend effet à compter de la date de la décision et vise à garantir l’égalité entre les compétiteurs devant les règles financières. Le dispositif de la décision du 6 juin 2025 confirme la rigueur nécessaire au maintien de la confiance publique dans la sincérité des scrutins législatifs. La publication au Journal officiel assure l’opposabilité de cette interdiction temporaire, rappelant ainsi le caractère fondamental des obligations déclaratives imposées à chaque prétendant électoral.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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