Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 juin 2025, la décision n° 2025-6432 AN relative au contentieux électoral de la cinquième circonscription de Paris. Un candidat n’ayant pas atteint le seuil de un pour cent des suffrages exprimés a omis de déposer son compte de campagne dans les délais légaux. L’organe administratif de contrôle a saisi la juridiction constitutionnelle après avoir constaté que l’intéressé détenait encore des carnets de reçus-dons délivrés par les services de l’État. Le litige porte sur l’obligation de dépôt d’un document comptable lorsque le mandataire financier n’a pas restitué les outils de collecte de fonds privés. Le juge devait déterminer si le défaut de restitution des souches de reçus suffit à caractériser une présomption de perception de dons imposant la formalité déclarative. Le juge constitutionnel décide que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». La juridiction prononce l’inéligibilité pour trois ans en raison de la gravité du manquement constaté et du défaut de justifications probantes apportées par le candidat. Cette décision souligne l’importance de la présomption de financement occulte avant de justifier une sanction d’inéligibilité proportionnée à la gravité du manquement constaté.
I. L’affirmation d’une présomption de financement par l’absence de restitution des reçus-dons
A. L’assujettissement légal à l’obligation de dépôt du compte de campagne Le code électoral impose aux candidats ayant bénéficié de dons de personnes physiques d’établir un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et dépenses. Ce document doit être déposé auprès de l’organe de contrôle au plus tard avant dix-huit heures le dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. Cette obligation vise à assurer la transparence financière de la vie politique et le respect des plafonds de dépenses autorisés par les textes en vigueur. La condition de dépôt s’applique indépendamment du score électoral dès lors que le candidat a fait appel à la générosité privée pour financer sa communication.
B. Le caractère déterminant de la détention des carnets de reçus-dons Le Conseil constitutionnel considère que le fait de conserver les carnets de reçus constitue un indice matériel suffisant pour présumer la perception effective de fonds. Le candidat « ne pouvait donc pas être regardé comme n’ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques » sans preuve de la restitution. Cette position jurisprudentielle fait peser une charge de la preuve inversée sur l’intéressé qui doit alors démontrer par tous moyens l’absence de recettes réelles. La rigueur de cette solution prévient toute fraude par l’utilisation de documents officiels non contrôlés par l’autorité chargée de la régulation du financement politique. La reconnaissance de ce manquement comptable caractérisé permet alors au juge constitutionnel de déterminer la nature de la sanction applicable au candidat défaillant.
II. La sanction de l’inéligibilité proportionnée à la gravité du manquement
A. L’absence de circonstances justificatives de la méconnaissance des obligations L’instruction menée par le juge constitutionnel révèle que le candidat n’a produit aucune observation ni aucun justificatif de nature à renverser la présomption de financement. Il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » des règles relatives au dépôt obligatoire du compte. Le silence de la partie poursuivie prive le juge de toute possibilité d’apprécier d’éventuels obstacles matériels ayant empêché la régularisation de sa situation financière personnelle. Le formalisme des comptes de campagne ne souffre aucune négligence dès lors que les principes fondamentaux de la probité électorale sont en cause devant la juridiction.
B. Une durée d’inéligibilité significative au service de la sincérité du scrutin Le Conseil constitutionnel prononce une peine d’inéligibilité de trois ans, soulignant « la particulière gravité de ce manquement » aux règles de financement de la vie publique. Cette mesure prive le citoyen du droit de se présenter à tout mandat électif pour une période correspondant à la moitié d’une législature ordinaire complète. La sanction remplit une fonction dissuasive en rappelant aux acteurs politiques l’impératif de rigueur comptable inhérent à toute candidature déposée pour le mandat national. Le juge assure ainsi l’égalité de traitement entre les compétiteurs tout en garantissant la transparence des moyens financiers mobilisés durant la période de propagande électorale.