Par une décision rendue le 6 juin 2025, le Conseil constitutionnel a statué sur la régularité du financement de la campagne électorale d’un candidat aux élections législatives. Celui-ci avait obtenu moins de un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin s’étant déroulé dans la cinquième circonscription de Paris. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel car l’intéressé n’avait déposé aucun document comptable après l’élection. Le litige portait sur l’application des obligations prévues par le code électoral lorsqu’un candidat conserve des instruments de collecte de dons sans les utiliser. Le Conseil constitutionnel affirme que la détention de carnets de reçus impose la reddition des comptes pour garantir la transparence totale des ressources financières mobilisées. L’étude de cette décision permet d’analyser l’exigibilité du compte de campagne fondée sur la détention de reçus-dons, avant d’aborder la mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité.
I. L’exigibilité du compte de campagne fondée sur la détention de reçus-dons
A. Le critère matériel de l’obligation de dépôt
L’article L. 52-12 du code électoral impose l’établissement d’un compte de campagne à tout candidat ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés. Cette obligation s’étend également à ceux ayant bénéficié de dons de personnes physiques, indépendamment du score électoral réalisé lors des opérations de vote. Le juge relève que le candidat « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu » selon les dispositions législatives en vigueur. La détention de carnets de reçus-dons par le mandataire financier constitue l’élément matériel déclenchant le contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne. Le Conseil constitutionnel rappelle ainsi que la transparence financière prime sur le résultat électoral pour assurer la sincérité du scrutin et l’égalité des candidats.
B. Le mécanisme probatoire lié à la non-restitution des carnets
Le juge constitutionnel précise que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption simple repose sur l’idée que le candidat a potentiellement collecté des fonds privés dès lors qu’il disposait des moyens légaux nécessaires. La charge de la preuve est renversée, obligeant le candidat à démontrer qu’aucun don n’a été effectivement perçu malgré la possession des carnets. En l’espèce, l’intéressé « n’a produit aucun justificatif de nature à la renverser » au cours de la procédure contradictoire organisée devant la juridiction. Cette rigueur probatoire vise à prévenir toute dissimulation de financements occultes qui pourraient altérer la loyauté de la compétition électorale entre les différents prétendants.
Cette obligation comptable stricte conduit le juge électoral à apprécier la nature du manquement pour en tirer les conséquences juridiques appropriées sur l’éligibilité du candidat.
II. La mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité triennale
A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité
Le Conseil constitutionnel doit évaluer si l’absence de dépôt du compte de campagne présente un caractère de gravité suffisant pour justifier une sanction d’inéligibilité. Il ressort de l’instruction qu’aucune circonstance particulière n’était de nature à expliquer ou à excuser la méconnaissance des obligations résultant du code électoral. Le juge souligne la « particulière gravité de ce manquement » pour fonder sa décision de retrait du droit de se présenter à un futur scrutin politique. L’omission totale de dépôt est traditionnellement considérée comme une faute majeure car elle empêche tout contrôle administratif et juridictionnel sur l’origine des fonds. Le silence du candidat durant l’instance confirme l’absence de volonté de régulariser sa situation comptable vis-à-vis des institutions de contrôle de la vie publique.
B. L’effectivité du contrôle de la probité des candidats
La juridiction prononce l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de notification de la décision. Cette mesure s’appuie sur l’article L.O. 136-1 du code électoral qui permet d’écarter de la vie politique les personnes ne respectant pas les règles financières. La solution retenue illustre la fermeté du juge constitutionnel face aux négligences déclaratives qui nuisent à la confiance des citoyens dans le système électoral. Le délai de trois ans constitue une sanction proportionnée à l’absence de coopération du candidat avec les autorités de régulation des comptes de campagne. Cette jurisprudence réaffirme que l’accès aux responsabilités publiques est conditionné par le respect rigoureux des principes de probité et de transparence lors de chaque élection.