Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6435 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 6 juin 2025, se prononce sur le non-respect des règles de financement des campagnes législatives. Un candidat ayant recueilli plus de 1 % des suffrages exprimés a omis de déposer son compte de campagne dans le délai légal. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge électoral le 22 janvier 2025 pour statuer sur cette irrégularité. Le candidat soutient qu’il ignorait son obligation, pensant à tort que l’absence de remboursement des frais électoraux l’en dispensait de fait. La question posée au juge est de savoir si l’absence totale de dépôt d’un compte obligatoire constitue un manquement justifiant une inéligibilité. Le Conseil constitutionnel juge que cette omission, non justifiée par des circonstances particulières, entraîne l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée de trois ans. L’étude de cette décision impose d’analyser l’affirmation d’une obligation comptable impérative avant d’examiner la rigueur de la sanction attachée au manquement.

L’affirmation d’une obligation comptable impérative

Le champ d’application de l’exigence de dépôt

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat d’établir un compte de campagne lorsqu’il obtient au moins 1 % des suffrages exprimés. Ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Le dépôt doit impérativement intervenir avant dix-huit heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin auprès de la commission spécialisée. Cette exigence comptable assure la transparence financière de la vie politique et garantit l’égalité entre les différents compétiteurs électoraux. La méconnaissance de ce formalisme strict prive l’autorité de contrôle de tout moyen de vérification sur l’origine et l’usage des fonds engagés.

L’indifférence des motifs d’exonération invoqués

Le candidat invoquait une erreur de jugement, estimant que l’absence de droit au remboursement de ses frais justifiait l’absence de tout dépôt. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument en soulignant qu’il n’existait « aucune volonté de dissimulation » établie de la part de l’intéressé. Toutefois, le juge précise qu’il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance fût de nature à « justifier la méconnaissance des obligations » légales. L’obligation de dépôt revêt un caractère objectif qui ne dépend ni de l’éligibilité au remboursement, ni de la bonne foi subjective du candidat. La clarté de la norme électorale exclut que l’ignorance ou la confusion sur ses modalités puisse constituer une cause exonératoire valable.

La reconnaissance d’une obligation sans exception possible conduit naturellement le juge à tirer les conséquences juridiques de l’omission constatée.

La rigueur de la sanction pour manquement grave

La qualification de la particulière gravité du manquement

En vertu de l’article L.O. 136-1, le juge peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte dans les conditions prescrites. La décision retient la « particulière gravité » du manquement pour fonder la sanction, conformément aux critères habituels d’une jurisprudence électorale désormais constante. L’absence totale de dépôt est intrinsèquement grave car elle fait obstacle au contrôle exercé par la commission nationale sur les financements. Le juge ne se livre pas ici à une analyse proportionnée de l’équilibre financier mais constate simplement l’inexistence pure et simple du compte. Cette rigueur manifeste la volonté de protéger l’ordre public électoral contre toute négligence susceptible de masquer des financements occultes ou illicites.

La portée de l’inéligibilité prononcée

Le Conseil constitutionnel prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente décision. Cette durée illustre la fonction préventive et répressive de la sanction, visant à écarter temporairement de la vie publique les candidats négligents. La publication au Journal officiel de la République française assure l’effectivité de cette mesure de police électorale à l’égard des tiers intéressés. Cette solution confirme que le formalisme financier des campagnes législatives constitue un pilier essentiel de la sincérité du scrutin pour le juge. Le respect scrupuleux des délais et des procédures de dépôt demeure la condition indispensable de la régularité des candidatures nationales.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture