Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2025-6435 AN du 5 juin 2025, a statué sur les conséquences du défaut de dépôt d’un compte de campagne. À la suite des élections législatives de juin 2024, un candidat a obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés dans la circonscription concernée. Ce résultat imposait la transmission de l’ensemble des recettes et des dépenses engagées pour le scrutin à l’autorité administrative chargée du contrôle des comptes. Le candidat a pourtant omis de déposer ses documents comptables avant l’expiration du délai légal fixé au dixième vendredi suivant le premier tour du scrutin. L’autorité de contrôle a saisi le juge constitutionnel le 22 janvier 2025 afin qu’il tire les conséquences juridiques de cette absence totale de dépôt.
L’intéressé a invoqué une croyance erronée selon laquelle l’absence de droit au remboursement de ses frais de campagne le dispensait de toute formalité administrative. La question posée est de savoir si l’omission de dépôt, motivée par une méconnaissance de la règle, constitue un manquement justifiant le prononcé de l’inéligibilité. Le Conseil rejette cet argument et déclare le candidat inéligible pour une durée de trois ans en raison de la particulière gravité du manquement constaté. L’analyse de cette décision porte sur l’objectivation du manquement aux obligations de financement puis sur la rigueur de la sanction opposée aux justifications produites.
**I. L’objectivation du manquement à l’obligation de dépôt du compte de campagne**
**A. La nature impérative des obligations comptables lors des élections**
Le juge constitutionnel rappelle que le dépôt du compte de campagne constitue une obligation substantielle pour les candidats ayant obtenu un score électoral significatif. Cette formalité doit être accomplie au plus tard le dixième vendredi suivant le scrutin auprès de l’autorité administrative chargée de vérifier la régularité des financements. En l’espèce, le candidat a méconnu cette règle impérative malgré l’obtention d’un nombre de suffrages suffisant pour déclencher l’application des dispositions du code électoral. L’absence totale de transmission des documents comptables empêche tout contrôle effectif de la provenance des fonds et de la nature des dépenses engagées durant l’élection.
**B. La reconnaissance d’un manquement d’une particulière gravité**
Le Conseil constitutionnel s’appuie sur l’article L.O. 136-1 du code électoral pour qualifier l’omission constatée comme un manquement d’une particulière gravité. Il souligne que le candidat est tenu de déposer son compte « dans les conditions et le délai prescrits » par les dispositions législatives en vigueur. La jurisprudence constante considère que l’absence de dépôt prive le contrôle de toute substance réelle et porte atteinte à la nécessaire sincérité du scrutin. Cette qualification permet au juge de disposer d’un pouvoir d’appréciation pour prononcer une sanction d’inéligibilité adaptée à l’importance de la violation constatée. Cette caractérisation du manquement conduit nécessairement à s’interroger sur la pertinence des justifications apportées par l’intéressé pour échapper à la sanction d’inéligibilité.
**II. La rigueur de la sanction face à l’absence de justification pertinente**
**A. L’inefficience de l’erreur de droit sur l’étendue des obligations**
Le candidat soutient qu’il a agi sans volonté de dissimulation en pensant que l’absence de remboursement de ses frais supprimait l’obligation de dépôt. Le Conseil rejette fermement cette argumentation en précisant qu’il « ne résulte pas de l’instruction » que cette circonstance puisse justifier la méconnaissance des règles. L’erreur de droit invoquée par l’intéressé ne constitue pas une circonstance particulière de nature à l’exonérer de sa responsabilité envers le financement électoral. Cette solution réaffirme que le caractère obligatoire du dépôt du compte est indépendant du droit ultérieur du candidat à percevoir un remboursement forfaitaire public.
**B. La proportionnalité de l’inéligibilité au regard de la transparence financière**
La décision prononce l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée de trois ans à compter de la date du délibéré rendu public par la haute juridiction. Cette sanction rigoureuse illustre la volonté du juge électoral de garantir le respect scrupuleux des calendriers légaux par l’ensemble des acteurs de la vie politique. La durée de trois ans marque une sévérité certaine destinée à prévenir le renouvellement de tels comportements lors des prochaines échéances électorales nationales ou locales. Le Conseil constitutionnel confirme ainsi que la transparence financière est une condition indispensable à l’exercice légitime d’un mandat électif au sein de la vie démocratique.