Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6435 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 6 juin 2025, se prononce sur le manquement d’un candidat aux règles impératives du financement électoral. Lors du scrutin législatif de l’été 2024, un candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne. Saisie par l’autorité administrative de contrôle en janvier 2025, la haute juridiction doit apprécier la régularité de cette situation au regard du code électoral. Le candidat soutient avoir agi de bonne foi en pensant que l’absence de remboursement possible le dispensait de toute obligation de dépôt comptable. La question posée au juge porte sur la sanction d’une omission déclarative totale en l’absence d’une intention frauduleuse initialement démontrée par l’instruction. Le Conseil constitutionnel retient la particulière gravité du manquement pour prononcer une inéligibilité de trois ans contre l’ancien candidat aux élections législatives. L’analyse portera d’abord sur la rigueur de l’obligation de dépôt avant d’examiner la sévérité de la sanction prononcée par les juges de la rue Montpensier.

I. La rigueur absolue de l’obligation de dépôt du compte de campagne

A. Le caractère impératif lié au seuil des suffrages exprimés

L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des voix d’établir un compte de campagne rigoureusement équilibré. Cette formalité permet de retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». La transparence financière constitue le pilier fondamental de l’équité entre les compétiteurs politiques lors des différents scrutins organisés sur le territoire national. Le candidat se trouvait ici légalement tenu de soumettre ses documents comptables à l’organe de vérification dans les délais prescrits par la législation électorale. Le respect de cette procédure administrative garantit la sincérité du scrutin et permet de vérifier l’origine licite des fonds utilisés par les candidats.

B. L’indifférence des motifs personnels invoqués par le candidat

Pour justifier son omission, l’intéressé invoque une erreur d’appréciation portant sur l’absence de droit au remboursement de ses frais de campagne par l’État. Le juge constitutionnel écarte cet argument en précisant qu’aucune « circonstance particulière » ne permet de justifier la méconnaissance des obligations résultant du code électoral. La complexité perçue des règles ou l’absence de bénéfice financier futur ne sauraient exonérer le candidat de ses devoirs essentiels de transparence démocratique. La solution réaffirme ainsi que le dépôt du compte demeure une obligation de résultat totalement indépendante de la situation comptable finale de chaque candidat. Cette exigence de rigueur assure que tout participant au débat électoral se soumette au contrôle commun des financements engagés pour convaincre les électeurs.

II. La sanction proportionnée d’une inéligibilité pour manquement grave

A. La qualification juridique de la particulière gravité du défaut de dépôt

En vertu de l’article L.O. 136-1, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte dans les conditions prévues. La décision souligne ici que le défaut total de présentation des documents comptables revêt une « particulière gravité » au regard des règles de financement public. Bien que la fraude ne soit pas formellement établie, l’absence de transparence fait obstacle au contrôle nécessaire de la commission nationale compétente en la matière. Le juge considère que l’omission volontaire ou négligente altère la sincérité du processus électoral en privant l’institution de ses moyens légaux d’investigation. La qualification de gravité particulière découle directement de l’atteinte portée à l’ordre public électoral par l’absence de reddition des comptes de campagne.

B. La portée temporelle de l’interdiction de se présenter aux suffrages

La juridiction prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de sa présente décision officielle. Cette mesure coercitive vise à écarter temporairement de la vie publique les citoyens ayant gravement méconnu les principes de probité financière et administrative. La durée retenue illustre la volonté de garantir le respect futur des échéances légales par l’ensemble des acteurs de la vie politique française. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante protégeant la moralisation de la vie publique contre les négligences majeures des candidats lors des élections. La sanction assure l’effectivité de la règle de droit en punissant de manière exemplaire le non-respect des procédures de contrôle du financement électoral.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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