Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6436 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2025-6436 AN du 19 juin 2025, a statué sur le défaut de dépôt d’un compte de campagne. Un candidat aux élections législatives de juin 2024, ayant obtenu plus de 1 % des suffrages, n’a pas transmis ses documents comptables obligatoires. L’intéressé invoquait des obstacles bancaires et un financement sur deniers personnels pour justifier cette carence totale devant la juridiction constitutionnelle. La procédure fut initiée par une saisine de l’autorité administrative compétente enregistrée le 22 janvier 2025 après constatation de l’absence de reddition des comptes. Le litige porte sur la qualification du manquement et sur la proportionnalité de la sanction d’inéligibilité au regard des circonstances particulières de l’espèce. Le Conseil constitutionnel a déclaré le candidat inéligible pour une durée de trois ans en raison de la gravité de l’omission constatée par l’instruction. La caractérisation du manquement aux obligations de financement précède l’examen de la rigueur de la sanction retenue par la juridiction pour assurer la transparence électorale.

I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de financement

A. L’exigence impérative de dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat l’établissement d’un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et des dépenses engagées. Cette obligation s’applique dès lors que le score obtenu atteint le seuil d’un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour. Le candidat doit impérativement déposer ce document avant le dixième vendredi suivant le scrutin sous peine de s’exposer à des sanctions juridictionnelles. En l’espèce, le requérant était incontestablement « tenu d’établir un compte de campagne » du fait de son résultat électoral supérieur au seuil légal. Cette obligation rigoureuse ne souffre que de rares exceptions que le candidat a tenté d’invoquer sans succès pour excuser son absence de diligence comptable.

B. L’insuffisance des justifications liées aux obstacles matériels

Le candidat prétendait s’être heurté à des difficultés bancaires pour l’ouverture d’un compte de dépôt indispensable à la gestion de ses fonds. Il affirmait également avoir réglé ses frais de campagne sur ses deniers personnels suite au renoncement de son mandataire financier à poursuivre ses démarches. Toutefois, les juges considèrent que « ces circonstances ni aucune autre circonstance particulière » ne justifiaient la méconnaissance des obligations résultant du code électoral. La carence du candidat demeure injustifiable puisque les obstacles invoqués n’empêchaient pas matériellement la reddition des comptes dans les délais prescrits par la loi. Le rejet de ces arguments factuels conduit la juridiction à qualifier juridiquement le comportement de l’intéressé afin d’en tirer les conséquences sur son éligibilité.

II. La rigueur de la sanction au service de la sincérité du scrutin

A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité de l’omission

L’article L.O. 136-1 permet de prononcer l’inéligibilité en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour qualifier la nature de l’irrégularité commise par le candidat lors de sa campagne. L’absence totale de dépôt de compte constitue un manquement substantiel qui empêche tout contrôle effectif de la sincérité des dépenses et des recettes. La juridiction retient ici la « particulière gravité » de l’omission pour justifier une mesure d’éloignement de la vie publique pendant une période déterminée. La reconnaissance d’une telle gravité justifie une réponse juridictionnelle ferme dont l’impact dépasse le cas individuel pour toucher à l’organisation de la représentation nationale.

B. La portée de l’inéligibilité triennale sur la vie politique

La sanction d’inéligibilité pour une durée de trois ans témoigne de la volonté du juge de garantir l’équité entre les différents compétiteurs politiques. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui privilégie la transparence financière sur les considérations personnelles ou logistiques invoquées par les candidats. La portée de cet arrêt réside dans le rappel ferme du caractère d’ordre public des règles encadrant le financement de la vie démocratique française. Le dispositif assure ainsi que seuls les citoyens respectant scrupuleusement les obligations comptables puissent briguer un mandat national lors des futurs scrutins électoraux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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