Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6436 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, sanctionne le défaut de dépôt d’un compte de campagne par un candidat aux élections législatives. Le candidat avait obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin organisé dans la troisième circonscription du département de l’Aude. Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la juridiction devait apprécier la régularité du financement de cette opération électorale. L’intéressé invoquait l’impossibilité pour son mandataire d’ouvrir un compte bancaire et le règlement des dépenses électorales sur ses propres deniers personnels pour sa défense. La question juridique portait sur la qualification d’un manquement d’une particulière gravité justifiant le prononcé d’une inéligibilité malgré les justifications matérielles produites. Les juges de la rue de Montpensier déclarent le candidat inéligible pour une durée de trois ans en raison de la méconnaissance des prescriptions législatives. L’examen de cette décision commande d’analyser d’abord la rigueur de l’obligation de dépôt des comptes avant d’étudier la portée de la sanction d’inéligibilité.

I. L’affirmation d’une obligation stricte de transparence financière

L’article L. cinquante-deux-douze du code électoral impose à certains candidats l’établissement d’un compte retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection. Cette obligation s’applique dès lors que le candidat a obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés ou bénéficié de dons de personnes physiques.

A. L’établissement de l’obligation impérative de dépôt du compte

Le candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés » selon les dispositions du code électoral. Le Conseil constitutionnel rappelle que ce document doit être déposé à la commission compétente au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour. En l’espèce, le candidat n’a pas respecté ce délai légal alors qu’il avait franchi le seuil de représentativité lors du scrutin de juin deux mille vingt-quatre. L’absence totale de dépôt constitue une violation directe des règles de financement destinées à garantir l’égalité entre les compétiteurs et la sincérité du vote. La juridiction constitutionnelle refuse de transiger avec cette formalité substantielle qui permet le contrôle effectif de l’origine et de l’utilisation des fonds électoraux.

B. L’insuffisance des justifications tirées des difficultés matérielles

Le requérant tentait de justifier son omission par les obstacles rencontrés par son mandataire financier pour procéder à l’ouverture d’un compte de dépôt bancaire. Il affirmait également avoir réglé personnellement ses frais de campagne, ce qui l’aurait prétendument dispensé de suivre les procédures habituelles de comptabilisation des dépenses. Le Conseil constitutionnel juge toutefois qu’il « ne résulte pas de l’instruction que ces circonstances ni aucune autre circonstance particulière » ne justifiaient la méconnaissance des obligations. Les difficultés bancaires, bien que réelles, ne sauraient exonérer un candidat de son devoir de transparence envers l’administration et les citoyens durant la période électorale. Le juge électoral maintient ainsi une interprétation rigoureuse des causes de justification en refusant de valider des explications fondées sur de simples obstacles de fait.

II. La sévérité de la sanction face à l’absence de transparence

La loi organique permet au juge de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et délais prescrits. Cette mesure radicale assure l’effectivité des règles de financement électoral en écartant de la vie publique les candidats ayant gravement méconnu leurs devoirs.

A. La caractérisation souveraine d’un manquement d’une particulière gravité

Selon l’article L.O. cent-trente-six-un, l’inéligibilité peut être prononcée en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles financières. Le Conseil constitutionnel considère que le défaut total de dépôt du compte par un candidat tenu d’y procéder revêt par nature une gravité suffisante. Cette qualification juridique permet d’écarter les candidats négligents sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention frauduleuse délibérée de leur part lors du scrutin. En l’espèce, le non-respect délibéré de la procédure de dépôt est analysé comme une atteinte majeure à la discipline collective imposée par le législateur électoral. Le juge manifeste ainsi sa volonté de ne pas laisser impunies les omissions qui font obstacle au contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne.

B. La rigueur de la sanction d’inéligibilité prononcée pour trois ans

La décision prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision » rendue publique. Cette durée de trois ans correspond au quantum classique appliqué par la jurisprudence constitutionnelle pour les manquements jugés significatifs aux règles du financement électoral. La sanction frappe l’aptitude du citoyen à se porter candidat à n’importe quelle élection nationale ou locale durant la période fixée par le juge. Elle illustre la fonction préventive et répressive du contentieux électoral qui vise à assainir les pratiques financières des candidats lors des consultations démocratiques. Le Conseil constitutionnel confirme ici que la transparence financière est une condition sine qua non de l’exercice légitime du droit de suffrage dans l’ordre juridique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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