Le Conseil constitutionnel, par une décision du 5 juin 2025, a statué sur le respect des règles de financement lors des élections législatives de juin 2024. Un candidat ayant participé à ce scrutin n’a pas procédé à l’ouverture du compte bancaire unique requis pour la gestion de ses fonds de campagne. L’autorité de contrôle des comptes de campagne a constaté cette omission et a décidé de rejeter le compte de l’intéressé le 13 janvier 2025. Le juge constitutionnel a ensuite été saisi pour apprécier la légalité de ce rejet et déterminer si une sanction d’inéligibilité devait être prononcée. La juridiction confirme la décision administrative et déclare le candidat inéligible pour une durée d’une année en raison de la particulière gravité du manquement.
I. L’exigence impérative d’un compte bancaire dédié au financement électoral
A. Le caractère substantiel de l’ouverture d’un compte bancaire unique
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique pour retracer la totalité des opérations financières de la campagne. Cette obligation permet à la commission nationale d’exercer un contrôle effectif et transparent sur l’origine des recettes ainsi que sur la nature des dépenses engagées. Le juge souligne que « l’intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat », garantissant ainsi l’imperméabilité des fonds. Le défaut de cette formalité prive l’administration et le juge de tout moyen de vérification fiable sur la réalité des flux monétaires de l’élection.
Cette règle constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance empêche la mise en état d’examen du compte par l’expert-comptable ou les services de contrôle. L’absence de compte bancaire spécifique rend impossible la distinction entre les deniers personnels du candidat et les fonds spécifiquement alloués à sa campagne électorale. La transparence financière est ainsi gravement compromise, ce qui justifie une réponse rigoureuse de la part des instances de contrôle et du juge de l’élection.
B. La validation juridictionnelle du rejet du compte de campagne
La décision de la commission nationale, intervenue le 13 janvier 2025, est fondée sur la violation manifeste des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6. Le Conseil constitutionnel confirme cette analyse en précisant que « cette circonstance est établie » et que le compte a donc été rejeté à bon droit par l’autorité administrative. La jurisprudence constante du juge électoral considère que l’absence de compte bancaire par le mandataire financier entraîne systématiquement le rejet de la comptabilité de campagne. Aucune régularisation a posteriori ne semble admise par le juge tant l’irrégularité affecte l’ensemble de la procédure de financement définie par la loi.
Le rejet du compte constitue le préalable nécessaire au prononcé de l’inéligibilité dont le juge doit alors fixer la durée selon la gravité des faits. Cette étape permet de constater officiellement la rupture des obligations comptables avant que la juridiction n’apprécie l’opportunité d’une sanction complémentaire touchant à la capacité électorale. L’omission de l’ouverture d’un compte unique apparaît comme un manquement objectif qui ne nécessite pas la preuve d’une intention de dissimuler des recettes ou dépenses.
II. La sanction de l’inéligibilité face à un manquement caractérisé
A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité de l’omission
L’article L.O. 136-1 prévoit l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le Conseil constitutionnel retient ici la « particulière gravité du manquement » pour justifier l’éviction du candidat de la vie publique pour une durée déterminée. Cette qualification juridique repose sur le fait que l’intéressé ne pouvait raisonnablement ignorer la portée d’une règle aussi fondamentale pour la sincérité du scrutin. Le juge ne recherche pas nécessairement une intention frauduleuse mais sanctionne l’imprudence inexcusable d’un candidat face à des obligations légales dont la clarté est absolue.
Le défaut de production d’observations par le candidat lors de la procédure de saisine renforce le constat du manquement sans qu’aucune circonstance atténuante ne soit soumise. La sévérité du juge constitutionnel s’explique par la nécessité de garantir l’égalité entre les candidats et la probité des opérations de financement de la vie politique. Un manquement à une règle dont la portée est essentielle pour le contrôle administratif ne saurait rester sans conséquence sur la légitimité du candidat.
B. La portée temporelle de l’interdiction de se porter candidat
Le juge prononce une inéligibilité d’une durée d’un an à compter de la date de sa décision, soit le 5 juin 2025, conformément aux textes. Cette sanction proportionnée prive le candidat du droit de se présenter à tout mandat électoral pendant cette période, marquant ainsi la désapprobation sociale et juridique. La modulation de la durée de l’inéligibilité dépend de la nature du manquement et de la connaissance que le candidat pouvait avoir des règles électorales applicables. En l’espèce, la durée d’un an souligne que l’absence de compte bancaire est une faute majeure sans pour autant atteindre le maximum légal prévu par le code.
La décision assure une fonction pédagogique en rappelant à tout futur compétiteur l’importance de la rigueur administrative dans le cadre des campagnes de financement électorales. Elle confirme la vigilance accrue du juge constitutionnel sur les aspects techniques du droit électoral, lesquels conditionnent la validité des candidatures et la régularité des scrutins. L’inéligibilité ainsi prononcée clôt définitivement le processus de contrôle pour ce candidat tout en préservant l’intégrité des principes démocratiques de transparence et d’honnêteté.