Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2025-6438 AN du 19 juin 2025, statue sur la validité du compte de campagne d’un candidat aux élections législatives. L’intéressé, ayant concouru dans la cinquième circonscription d’Indre-et-Loire en juin et juillet 2024, a omis de faire ouvrir un compte bancaire par son mandataire. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte par une décision rendue le 9 janvier 2025 pour ce motif. Saisi le 22 janvier suivant par l’organe de contrôle, le juge constitutionnel doit déterminer si ce manquement justifie le rejet et le prononcé d’une inéligibilité. Le Conseil confirme le rejet du compte avant de déclarer le candidat inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de sa décision. La rigueur du contrôle exercé sur l’unicité du compte bancaire précède l’examen de la gravité de la sanction attachée à cette omission fondamentale des règles électorales.
I. L’impératif de traçabilité financière par l’ouverture d’un compte bancaire unique
A. La méconnaissance des prescriptions relatives au mandataire financier
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un « compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières » durant la campagne. Cette règle garantit la transparence des recettes et des dépenses engagées en vue de l’élection par les candidats soumis au plafonnement légal des fonds. En l’espèce, il est établi que le mandataire n’a procédé à aucune ouverture de compte malgré les obligations de publicité et de saine gestion financière électorale. Cette circonstance constitue une violation directe des dispositions législatives destinées à prévenir tout financement occulte ou irrégulier lors des opérations de désignation des députés nationaux. Le constat de cette irrégularité formelle conduit nécessairement à s’interroger sur la validité globale du compte de campagne présenté par le candidat devant la commission nationale.
B. La confirmation du rejet du compte de campagne par le juge électoral
La Commission nationale a rejeté le compte au motif que l’absence de compte bancaire ne permet pas de vérifier l’équilibre réel des flux financiers du candidat. Le Conseil constitutionnel valide cette analyse en affirmant que « c’est à bon droit » que l’organe de contrôle a rejeté le document comptable litigieux présenté par l’intéressé. Cette décision souligne le caractère substantiel de l’obligation de compte unique dont le non-respect prive le juge de tout moyen de contrôle efficace sur l’élection. Le rejet du compte de campagne apparaît comme la conséquence inéluctable d’un défaut de structure bancaire dédiée exclusivement à la gestion des dépenses et des recettes. La validation de cette sanction administrative permet alors d’envisager le prononcé d’une sanction électorale supplémentaire au regard de la nature du manquement aux obligations de financement.
II. La proportionnalité de la sanction d’inéligibilité face au manquement caractérisé
A. La qualification de manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » constaté par le juge. Le Conseil estime que l’absence totale de compte bancaire revêt une telle gravité car elle porte atteinte à l’essence même du dispositif de contrôle financier électoral. Le candidat « ne pouvait ignorer la portée » de cette règle élémentaire figurant explicitement dans les dispositions législatives en vigueur au moment de l’ouverture de la campagne. La négligence du demandeur ne saurait être excusée par l’absence d’observations produites devant la juridiction constitutionnelle après la communication de la saisine initiale par le rapporteur. La reconnaissance de cette faute grave impose au juge électoral de déterminer une durée d’inéligibilité conforme à la pratique répressive habituelle pour ce type d’omission.
B. La durée limitée de l’inéligibilité prononcée à titre de sanction
Le Conseil constitutionnel prononce l’inéligibilité de l’intéressé à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la date de publication de la présente décision. Cette mesure, bien que sévère, est proportionnée à l’impossibilité pour le régulateur de s’assurer de l’absence de fraude ou de financement occulte durant le scrutin. La décision assure l’intégrité du processus démocratique en écartant temporairement de la vie publique un candidat ayant gravement failli à ses obligations de transparence financière. Cette fermeté jurisprudentielle rappelle aux futurs candidats la nécessité d’une gestion financière rigoureuse dès le début de la période légale de financement des campagnes législatives.