Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, une décision relative au contrôle du financement des élections législatives tenues l’année précédente. Un candidat au scrutin des 30 juin et 7 juillet 2024 a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés dans sa circonscription départementale. Son compte de campagne présentait des recettes et des dépenses supérieures au seuil de 4 000 euros, sans toutefois être présenté par un expert-comptable. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 23 janvier 2025 afin de constater cette irrégularité. Le candidat a fait valoir ses observations en défense le 8 février 2025, sans toutefois justifier de circonstances exceptionnelles pour ce défaut de forme. La question posée aux juges portait sur la qualification juridique d’une absence de certification professionnelle au regard des exigences de transparence financière. Le Conseil a jugé que cette omission constitue une méconnaissance grave des obligations légales, prononçant ainsi l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée d’un an. L’examen de la rigueur du cadre comptable électoral précédera l’analyse de la qualification de la gravité de l’omission sanctionnée.
I. La rigueur de l’obligation de présentation du compte par un expert-comptable
A. Un formalisme protecteur de la sincérité du contrôle financier
L’article L. 52-12 du code électoral impose une discipline comptable stricte aux candidats dont l’influence électorale ou financière atteint des seuils déterminés. Le texte dispose que « ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen ». Cette exigence garantit la fiabilité des informations transmises à l’autorité de contrôle et prévient les éventuelles dissimulations de dépenses électorales. En l’espèce, le candidat avait franchi le seuil des 5 % des voix, rendant la certification obligatoire malgré le montant modeste des opérations. La mission du professionnel assure une vérification indépendante des pièces justificatives requises pour la validité du financement public.
B. L’absence de circonstances atténuantes justifiant le manquement
La juridiction constitutionnelle vérifie systématiquement si des éléments factuels auraient pu empêcher le candidat de satisfaire à ses obligations de présentation. Dans cette affaire, « il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » de la loi électorale. L’absence de difficultés insurmontables ou d’erreur administrative externe renforce la responsabilité personnelle du candidat dans la gestion de ses documents comptables. La simple omission, même sans intention frauduleuse démontrée, fragilise la transparence financière indispensable à la loyauté de la compétition électorale. Le respect des formes constitue un bloc indivisible de contraintes pesant sur chaque acteur de la vie politique.
II. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité
A. L’application stricte des critères de l’inéligibilité organique
Aux termes de l’article L.O. 136-1, le juge peut déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Le défaut de présentation par un expert-comptable prive la Commission de contrôle de la garantie technique nécessaire à l’exercice efficace de sa mission. Le Conseil considère que cette carence formelle altère la portée du contrôle de sincérité et justifie une sanction d’une sévérité certaine. Le juge n’exige pas une volonté de fraude caractérisée pour constater la gravité intrinsèque de la méconnaissance d’une règle comptable essentielle. La protection de l’ordre public électoral repose sur la soumission inconditionnelle des élus aux prescriptions législatives.
B. Une sanction proportionnée au service de la probité publique
Le prononcé d’une inéligibilité pour une durée d’un an marque la volonté du juge de sanctionner un comportement négligent et préjudiciable. Cette mesure de police électorale écarte du jeu démocratique ceux qui ignorent les prescriptions élémentaires relatives à la gestion financière des campagnes. « Compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », la solution retenue s’inscrit dans une jurisprudence constante protégeant l’égalité de traitement entre tous les candidats. La durée de la sanction reste mesurée au regard des enjeux de moralisation de la vie publique portés par les révisions organiques. Par ce rappel à la loi, le Conseil réaffirme que la technicité comptable demeure un pilier de la démocratie représentative.