Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6454 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2025-6454 AN du 5 juin 2025, s’est prononcé sur le non-respect des obligations de financement lors des élections législatives de 2024. Une candidate s’était présentée dans une circonscription départementale et avait recueilli plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin législatif. Cette situation imposait juridiquement le dépôt d’un compte de campagne équilibré auprès de l’organe de contrôle dans un délai strictement défini par les dispositions du code électoral.

L’autorité de contrôle des comptes a saisi le juge constitutionnel le 24 janvier 2025 afin de constater l’absence de dépôt du document comptable requis par la loi. Malgré la communication officielle de cette saisine, la candidate n’a produit aucune observation pour justifier le manquement constaté par l’organe de surveillance des finances publiques électorales. La procédure devant le juge constitutionnel s’est donc déroulée sans que la défense n’apporte d’éléments contraires aux constatations de fait établies par l’administration lors de son contrôle.

Le juge devait déterminer si l’absence totale de dépôt d’un compte de campagne justifie le prononcé d’une inéligibilité pour une durée de trois années civiles pleines. Le Conseil a considéré que ce défaut, dénué de circonstances particulières, revêtait une particulière gravité justifiant l’application rigoureuse des sanctions prévues par le texte organique du code. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation d’un manquement grave aux règles de financement, avant d’étudier la portée de la sanction d’inéligibilité ainsi prononcée par le juge électoral.

**I. La caractérisation d’un manquement grave aux règles de financement**

**A. L’obligation impérative de transparence financière**

L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages d’établir et de déposer un compte de campagne. Ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection » pour être valide. Le législateur fixe une limite temporelle impérative au dixième vendredi suivant le scrutin pour soumettre ce document comptable à l’autorité administrative compétente pour le contrôle. Le respect de ce délai constitue une formalité substantielle garantissant la loyauté de la consultation électorale et le contrôle effectif des ressources utilisées par les candidats.

**B. Le constat d’une carence documentaire inexcusable**

Dans cette espèce, le Conseil constitutionnel relève que la candidate « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’elle y était tenue » malgré ses résultats électoraux. L’absence de toute pièce comptable empêche radicalement le juge de vérifier la licéité des fonds et l’équilibre financier de la campagne menée par l’intéressée lors du scrutin. Le juge précise qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » des obligations légales imposées par le code. Ce constat d’une carence injustifiée conduit alors le juge constitutionnel à appliquer avec fermeté les dispositions répressives destinées à protéger la régularité du scrutin.

**II. La sévérité de la sanction au service de l’ordre public électoral**

**A. La qualification juridique de la gravité particulière**

Le code électoral dispose qu’en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité », le juge peut déclarer le candidat fautif totalement inéligible. Le Conseil constitutionnel estime ici que l’absence totale de compte, sans justification produite, remplit les conditions de gravité requises par l’article organique du code électoral. Ainsi, cette jurisprudence constante assimile le défaut de dépôt à une atteinte majeure à la transparence, car il soustrait l’activité financière du candidat au contrôle légal obligatoire. La gravité est déduite de l’importance de l’obligation méconnue, laquelle conditionne la probité des élus et l’égalité des armes entre les différents compétiteurs politiques.

**B. L’application d’une inéligibilité proportionnée de trois ans**

En application de sa lecture stricte du droit, le Conseil prononce une inéligibilité « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette durée reflète la volonté du juge de sanctionner fermement l’obstruction délibérée au contrôle des comptes de campagne par les autorités compétentes chargées de la vérification. La décision assure une fonction préventive en écartant de la vie publique les candidats qui négligent les principes fondamentaux de la régulation du financement de la vie politique. Ce régime de sanction, bien que sévère, demeure nécessaire pour préserver la confiance des citoyens dans le fonctionnement démocratique et l’intégrité des institutions républicaines.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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