Le Conseil constitutionnel a rendu le 5 juin 2025 une décision importante concernant le contrôle du financement des campagnes électorales pour l’Assemblée nationale. Une candidate aux élections législatives de juin et juillet 2024 dans le département du Finistère a obtenu plus de un pour cent des suffrages. L’intéressée était donc tenue de déposer un compte de campagne retraçant l’origine de ses recettes et la nature de ses dépenses engagées ou effectuées. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté l’absence de dépôt et a saisi la juridiction constitutionnelle le 24 janvier 2025. La candidate n’a produit aucune observation au cours de la procédure d’instruction pour justifier le non-respect des obligations légales imposées par le code électoral. Le manquement à l’obligation de dépôt du compte de campagne dans les délais prescrits justifie-t-il, en l’absence de toute justification, une déclaration d’inéligibilité ? Le juge retient que l’absence de circonstances particulières justifiant cette omission constitue un manquement d’une particulière gravité entraînant trois ans d’inéligibilité. Le commentaire analysera d’abord la caractérisation du manquement à l’obligation de transparence (I) avant d’examiner la détermination d’une sanction électorale proportionnée (II).
I. La caractérisation du manquement à l’obligation de transparence
A. L’impératif du dépôt des comptes pour les candidats significatifs
L’article L. 52-12 du code électoral impose une obligation stricte de dépôt du compte de campagne pour certains candidats aux élections de l’Assemblée nationale. Cette règle s’applique impérativement dès lors que le candidat a obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin. Le texte prévoit que ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». La transparence financière constitue une condition essentielle de la sincérité du scrutin et permet de vérifier le respect du plafonnement des dépenses électorales. En l’espèce, la candidate remplissait les conditions de seuil mais n’a pas déposé son compte avant la clôture du délai légal fixé par la loi. Cette méconnaissance des règles de financement des campagnes électorales place d’emblée la candidate sous la menace de sanctions prévues par le législateur organique.
B. La rigueur du juge face à l’absence de justifications particulières
Le juge constitutionnel examine systématiquement l’existence éventuelle de raisons valables pouvant expliquer ou atténuer la responsabilité du candidat défaillant dans ses obligations de déclaration. La décision précise explicitement qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » de l’intéressée. Cette formulation standardisée souligne que la simple négligence administrative ne saurait suffire à écarter la qualification de manquement grave aux règles de la compétition électorale. L’absence totale d’observations produites par la candidate durant l’instruction confirme son renoncement à démontrer la force majeure ou une erreur involontaire de sa part. Par conséquent, la matérialité de l’infraction est établie par le seul constat de l’absence de dépôt du document comptable dans les délais requis par l’administration. La reconnaissance de cette infraction matérielle conduit alors la juridiction constitutionnelle à s’interroger sur la nature et la mesure de la sanction électorale applicable.
II. La détermination d’une sanction électorale proportionnée
A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les conditions de dépôt de ses comptes de campagne. Le Conseil constitutionnel doit cependant caractériser une « volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement » pour prononcer une telle sanction. Le juge considère ici que l’absence de dépôt sans justification suffisante revêt cette intensité particulière car elle prive la commission de tout contrôle financier. Cette qualification juridique repose sur l’importance du manquement constaté au regard de l’objectif de moralisation et de transparence de la vie politique française contemporaine. Ainsi, la sévérité du juge constitutionnel s’explique par la nécessité de protéger l’ordre public électoral contre les pratiques opaques de financement des candidatures nationales.
B. L’application d’une période d’inéligibilité fixée à trois années
La conséquence directe de la gravité du manquement réside dans le prononcé d’une peine d’inéligibilité dont la durée doit être proportionnée à la faute commise. La décision énonce qu’il « y a lieu de prononcer l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette durée de trois ans représente une sanction intermédiaire entre le minimum légal et le maximum autorisé pour les manquements n’impliquant pas une fraude avérée. L’inéligibilité frappe l’intéressée pour l’ensemble des mandats électifs, marquant ainsi une volonté de l’écarter durablement de la scène politique en raison de sa défaillance. Le dispositif de la décision confirme l’application immédiate de cette interdiction qui sera publiée au Journal officiel de la République française pour assurer son opposabilité.