Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 5 juin 2025, statue sur une saisine relative au rejet du compte de campagne d’une candidate à la députation. Cette affaire soulève la question du respect des obligations comptables imposées par le code électoral lors des élections législatives organisées en juin et juillet 2024. Lors du scrutin tenu dans la septième circonscription de la Réunion, une candidate a soumis son document comptable à l’examen administratif requis pour les élections nationales. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte le 20 janvier 2025 en raison de l’absence de compte bancaire. Il convient de déterminer si l’absence d’ouverture d’un compte bancaire unique par le mandataire financier justifie une déclaration d’inéligibilité pour une durée déterminée. Le juge constitutionnel confirme le rejet et prononce une inéligibilité d’un an, soulignant la particulière gravité du manquement aux règles essentielles du financement électoral.
I. La consécration de l’exigence d’un support bancaire unique pour la campagne
A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire
Le mandataire financier doit impérativement ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité des opérations financières liées à la campagne électorale du candidat. L’article L. 52-6 du code électoral impose cette transparence afin de garantir l’équilibre et la sincérité des dépenses engagées pour obtenir un mandat législatif national. Cette obligation constitue un pilier de l’ordre public électoral que le juge constitutionnel protège avec une rigueur constante lors de ses contrôles de régularité. La loi énonce que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne » selon des modalités strictement définies. La désignation d’un mandataire financier ne dispense pas le candidat de veiller à la mise en place effective des instruments nécessaires au contrôle des flux.
B. Le constat souverain de la méconnaissance des obligations de transparence financière
La Commission nationale des comptes de campagne a légitimement rejeté le compte car le mandataire financier n’avait ouvert aucun compte bancaire spécifique pour le scrutin. Le Conseil constitutionnel valide cette analyse technique en affirmant que « cette circonstance est établie » et que le rejet du document financier est intervenu « à bon droit ». L’absence de ce support bancaire empêche tout contrôle efficace de l’origine des recettes et de la nature des dépenses engagées par le candidat durant l’élection. La juridiction refuse d’excuser cette carence qui altère la capacité des autorités à vérifier que le plafonnement des frais de propagande a été scrupuleusement respecté. Le juge tire ainsi les conséquences juridiques d’une omission matérielle qui affecte la structure même du compte présenté à l’administration pour validation définitive.
II. La répression d’un manquement substantiel aux règles du financement électoral
A. La qualification juridique d’une faute d’une particulière gravité par le juge
En vertu de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge peut déclarer inéligible un candidat en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles comptables. Le Conseil retient ici une « particulière gravité du manquement » car la règle méconnue présente une portée fondamentale que tout candidat ne saurait sérieusement ignorer. La décision souligne que la méconnaissance des obligations élémentaires de financement électoral nuit gravement à la clarté et à la probité de la compétition démocratique moderne. Ce constat ne nécessite pas la preuve d’une intention frauduleuse dès lors que l’irrégularité porte sur une formalité substantielle à laquelle la loi ne déroge pas. La juridiction écarte toute indulgence au regard de l’importance de la transparence financière dans le cadre de la désignation des membres de l’Assemblée nationale.
B. L’infliction d’une inéligibilité comme garantie de la probité du processus électoral
L’inéligibilité prononcée pour une durée d’un an sanctionne de manière proportionnée mais ferme la négligence manifeste du candidat vis-à-vis des prescriptions légales en vigueur. Cette mesure préventive vise à écarter temporairement de la vie publique les personnes dont les pratiques comptables ne garantissent pas le respect des équilibres républicains. La sanction prend effet à compter de la date de la décision et s’applique à tout mandat électoral sur l’ensemble du territoire de la République. La publication au Journal officiel assure l’effectivité de cette mesure et informe les citoyens de la régularité des opérations de vote au sein du département. Le Conseil constitutionnel réaffirme ainsi son rôle de gardien de la loyauté du scrutin en réprimant les défaillances graves dans la gestion des fonds électoraux.