Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6456 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision numéro 2025-6456 AN du 6 juin 2025, précise les conditions d’inéligibilité liées au défaut de dépôt du compte de campagne électorale. Une candidate à une élection législative s’est abstenue de transmettre ses documents comptables à l’autorité chargée de vérifier le financement des scrutins nationaux. Un organe de contrôle a constaté que l’intéressée, bien qu’ayant obtenu un score inférieur à un pour cent, restait tenue à cette formalité déclarative. Saisi du litige, le juge de l’élection doit déterminer si l’absence de restitution des reçus de dons suffit à caractériser un manquement d’une particulière gravité. Le juge affirme qu’une telle carence fait présumer la perception de fonds privés et justifie, en l’absence de justificatifs contraires, une sanction d’inéligibilité. L’étude portera sur la reconnaissance d’un manquement fondé sur une présomption probatoire, puis sur l’application d’une sanction rigoureuse destinée à protéger le scrutin.

I. L’établissement du manquement aux obligations comptables par la voie d’une présomption

A. La persistance de l’obligation de dépôt malgré un résultat électoral marginal

L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat de retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées durant la période électorale. Cette obligation s’applique dès lors que le candidat obtient au moins un pour cent des suffrages ou s’il bénéficie de dons de personnes physiques. Le juge rappelle que le compte « doit être déposé… au plus tard avant dix-huit heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ». En l’espèce, la candidate n’avait pas atteint le seuil de voix requis mais disposait de carnets permettant de collecter des fonds auprès de tiers. La détention de ces outils comptables assujettit le candidat à la transparence financière, indépendamment du succès rencontré lors du passage devant les électeurs.

B. L’efficacité probatoire de la non-restitution des carnets de reçus-dons

La juridiction considère que la possession de carnets de reçus non restitués à l’administration constitue un indice sérieux de la perception de financements privés. Le juge énonce clairement que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Bien que cette présomption puisse être combattue par la production de preuves contraires, la candidate n’a fourni aucun élément de nature à la renverser. Le défaut de justification transforme une simple omission administrative en une violation établie des règles impératives relatives au financement de la vie politique. Cette rigueur dans l’administration de la preuve justifie alors l’application de mesures répressives sévères lorsque la méconnaissance des règles est formellement constatée.

II. La sanction d’une méconnaissance grave des règles électorales par l’inéligibilité

A. L’exigence de circonstances exceptionnelles pour écarter la gravité du manquement

Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions de dépôt de son compte. Cette sanction est toutefois subordonnée à l’existence d’une volonté de fraude ou d’un manquement présentant une gravité particulière au regard des règles financières. La juridiction constitutionnelle vérifie systématiquement si des motifs spécifiques pourraient excuser l’absence de dépôt ou atténuer la responsabilité du candidat mis en cause. Or, il est souligné qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations ». L’absence de diligence dans la gestion des documents officiels interdit au juge de faire preuve de clémence envers une négligence aussi manifeste.

B. L’application d’une inéligibilité triennale garante de la probité publique

Constatant la gravité du manquement, le Conseil prononce l’inéligibilité de la candidate à tout mandat électoral pour une durée fixe de trois années. Cette mesure répressive vise à écarter de la vie publique les acteurs ne présentant pas les garanties de transparence nécessaires à l’exercice d’un mandat. Le juge cherche ainsi à préserver l’égalité entre les compétiteurs et à garantir la sincérité des futures opérations de vote sur le territoire. La décision s’inscrit dans une politique jurisprudentielle ferme, rappelant que le respect des délais et des formes comptables est une condition de la démocratie. Cette sanction exemplaire rappelle aux candidats que la gestion financière de leur campagne engage durablement leur capacité à concourir lors des prochaines échéances électorales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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