Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 juin 2025, la décision n° 2025-6456 AN relative au contentieux électoral des élections législatives de l’année précédente. Une candidate aux suffrages des électeurs d’une circonscription législative n’avait pas déposé son compte de campagne dans le délai légal imparti. L’autorité administrative de contrôle des comptes a donc saisi le juge constitutionnel par une décision datée du 15 janvier 2025. La candidate invoquait un score électoral inférieur au seuil de un pour cent pour justifier l’absence de dépôt de ses documents comptables obligatoires. Cependant, les carnets de reçus-dons qui avaient été remis à son mandataire n’avaient pas été restitués aux services compétents dans les délais. Le problème juridique résidait dans la détermination du caractère obligatoire du compte de campagne malgré un faible score électoral en présence de documents financiers. Le juge devait apprécier si cette méconnaissance des règles électorales constituait un manquement d’une gravité telle qu’elle justifiait une déclaration d’inéligibilité immédiate. Le Conseil constitutionnel affirme que la détention des carnets fait présumer la perception de dons et prononce une inéligibilité de trois ans contre la candidate. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation de l’obligation comptable avant d’examiner la rigueur de la sanction attachée au défaut de reddition des comptes.
I. L’application rigoureuse des obligations comptables liées au financement électoral
A. L’automaticité de l’obligation de dépôt des comptes Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article L. 52-12 du code électoral qui régit l’établissement des comptes de campagne par les candidats. Ce texte dispose que chaque candidat soumis au plafonnement est tenu d’établir un compte s’il obtient un pour cent des suffrages exprimés. L’obligation de dépôt s’impose également si le candidat a bénéficié de dons de personnes physiques conformément aux dispositions protectrices du code électoral français. La juridiction précise que le document doit retracer l’ensemble des recettes perçues ainsi que les dépenses engagées en vue de l’élection législative. La candidate pensait échapper à cette contrainte en raison de son score électoral très faible mais elle négligeait la seconde condition de l’article susvisé. Le juge rappelle ici que la protection de la transparence financière s’applique indépendamment du succès électoral rencontré par le candidat lors du scrutin. Cette rigueur assure un contrôle effectif des ressources privées engagées dans la compétition politique nationale par l’ensemble des compétiteurs déclarés.
B. La force probante de la détention des carnets de reçus-dons Le juge souligne que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption légale impose au candidat de démontrer l’absence de toute recette financière occulte ou non déclarée lors de la période électorale. En l’espèce, la candidate n’a produit aucun justificatif de nature à renverser cette présomption devant le Conseil constitutionnel malgré les mesures d’instruction ordonnées. Le défaut de restitution des carnets équivaut juridiquement à la détention de fonds qui impose mécaniquement le dépôt d’un compte de campagne en équilibre. La méconnaissance de cette règle formelle place immédiatement le candidat dans une situation d’irrégularité au regard du droit électoral et du financement politique. L’absence de reddition des comptes devient alors incontestable puisque le mandataire financier disposait des instruments nécessaires à la collecte des fonds privés. La caractérisation du manquement étant établie, il convient d’étudier la réponse disciplinaire apportée par le juge au regard de la particulière gravité constatée.
II. La sévérité du juge constitutionnel face au défaut de transparence financière
A. La qualification d’un manquement présentant une particulière gravité L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les conditions de dépôt prescrites. La juridiction recherche si le défaut de dépôt résulte d’une volonté de fraude ou d’un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel relève qu’aucune circonstance particulière n’était de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant des dispositions législatives en vigueur en France. Il conclut que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », il y a lieu de sanctionner durement l’omission fautive de la candidate. Cette qualification juridique témoigne de la volonté du juge constitutionnel de garantir la transparence financière absolue des scrutins nationaux même pour les petits candidats. La simple négligence administrative est ici assimilée à une faute lourde contre les principes démocratiques de contrôle des moyens de propagande.
B. Les conséquences du rejet des comptes sur le droit d’éligibilité La sanction prononcée consiste en une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente décision. Cette durée se situe dans la moyenne haute des sanctions prévues par le législateur organique pour les manquements aux obligations de déclaration comptable. La portée de cet arrêt réside dans le rappel ferme que la sincérité du scrutin dépend de la reddition fidèle des comptes par tous. Le juge refuse toute excuse liée à l’ignorance des textes ou à l’absence de moyens financiers pour justifier l’inexistence d’un compte de campagne. Cette jurisprudence confirme la rigueur constante du Conseil constitutionnel dans le contrôle du financement des campagnes électorales sur l’ensemble du territoire national. La décision rappelle que le droit de suffrage et le droit d’être élu sont indissociables du respect scrupuleux des règles financières. La candidate se voit ainsi écartée de la vie politique pour une période significative afin de préserver l’intégrité des futures consultations électorales.