Le Conseil constitutionnel a rendu le 6 juin 2025 une décision portant sur le financement de la campagne d’une candidate aux élections législatives de 2024. Lors du scrutin organisé dans une circonscription ultramarine, l’intéressée a recueilli moins de un pour cent des suffrages exprimés par les électeurs inscrits. Saisi par l’autorité de contrôle des comptes de campagne, le juge constitutionnel devait déterminer si l’absence de dépôt du compte constituait un manquement grave. Le juge relève que la candidate n’a pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire lors de l’ouverture de sa campagne officielle. Cette situation crée une présomption de perception de fonds privés imposant le dépôt d’un état certifié des recettes et des dépenses engagées. L’analyse portera d’abord sur la présomption de perception de dons avant d’étudier la sanction prononcée par les juges de la rue de Montpensier.
I. La présomption de perception de dons résultant de la détention des carnets de reçus
A. L’assujettissement impératif aux obligations de transparence financière
Le code électoral dispose que chaque candidat doit établir un compte de campagne s’il a bénéficié de dons de personnes physiques pour son élection. Cette règle s’applique même lorsque le candidat obtient moins de un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de la consultation électorale. La juridiction précise que ce compte retrace « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». La transparence financière constitue une garantie essentielle pour l’égalité entre les candidats et la moralisation de la vie publique dans notre système démocratique. Par conséquent, l’absence de dépôt dans les délais prescrits par la loi organique expose le candidat défaillant à une procédure de contrôle juridictionnel rigoureuse.
B. Le caractère réfragable mais non combattu de la présomption de don
Le Conseil constitutionnel affirme que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption juridique repose sur la possession matérielle de documents officiels permettant de collecter des fonds privés pour financer les actions de propagande électorale. Bien que cette preuve puisse être combattue par tous moyens, la candidate n’a produit aucun justificatif de nature à renverser cette conclusion lors de l’instruction. Le juge souligne ainsi que la simple détention des souches non restituées suffit à caractériser l’obligation de déposer un compte de campagne en bonne et due forme. La passivité de l’intéressée face aux demandes de l’administration électorale emporte des conséquences juridiques majeures sur la validité de sa situation personnelle de candidat.
L’établissement de cette obligation comptable conduit nécessairement le juge à apprécier la nature du manquement pour déterminer la sanction adéquate au regard des textes organiques.
II. L’inéligibilité triennale sanctionnant un manquement d’une particulière gravité
A. Le rejet des justifications liées aux circonstances de l’espèce
Le juge électoral peut prononcer l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement des campagnes électorales. Dans cette espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que le défaut de dépôt du compte de campagne atteignait ce seuil de gravité requis par la loi. La candidate n’a invoqué aucune circonstance imprévisible ou insurmontable pour expliquer le non-respect des délais impartis par les dispositions impératives du code électoral. Il ne résulte pas de l’instruction que des « circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » de transparence comptable incombant à tout participant. Cette absence de justification renforce la qualification du manquement comme une négligence coupable portant atteinte au bon déroulement des opérations de contrôle des finances.
B. La rigueur de la sanction garante de la probité électorale
La décision prononce l’inéligibilité de l’intéressée à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de sa notification officielle. Cette mesure de police électorale vise à écarter temporairement de la vie publique les personnes ayant ignoré les règles fondamentales du financement de leur activité. Le Conseil constitutionnel applique ici avec fermeté les dispositions de l’article L.O. 136-1 afin d’assurer l’effectivité des contrôles exercés par la commission nationale spécialisée. La durée de trois ans souligne la sévérité du juge face à une omission qui prive l’administration de sa capacité à vérifier l’origine des fonds. Ce jugement s’inscrit dans une jurisprudence constante protégeant la sincérité du scrutin et l’égalité devant les charges publiques pour l’ensemble des citoyens français.