Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6456 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 6 juin 2025, a statué sur le contentieux du financement des élections législatives de juin et juillet 2024. Une candidate, ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, a omis de déposer son compte de campagne auprès de l’autorité administrative compétente. Saisie par cette dernière le 27 janvier 2025, la juridiction devait déterminer si ce manquement justifiait une déclaration d’inéligibilité au regard des circonstances de l’espèce. Le juge souligne que le défaut de restitution des carnets de reçus-dons crée une présomption de perception de fonds rendant obligatoire le dépôt comptable. En l’absence de preuve contraire rapportée par l’intéressée, le Conseil retient un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction d’inéligibilité de trois ans.

I. La présomption de perception de dons tirée de l’irrégularité formelle

A. Le domaine de l’obligation de dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats l’établissement d’un compte retraçant l’ensemble des recettes perçues pour l’élection. Cette obligation comptable s’applique impérativement dès lors que le candidat franchit le seuil de 1 % des voix ou bénéficie de dons privés. Le Conseil rappelle que ce compte « doit être déposé à la commission nationale […] au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant ». En l’espèce, la candidate se pensait dispensée de cette formalité en raison de son faible score électoral lors du premier tour de scrutin. Cependant, la possession de moyens de collecte de fonds oblige à une transparence totale, même si les résultats électoraux demeurent marginaux dans la circonscription.

B. La force probante de la non-restitution des reçus-dons

La décision précise que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption simplifie la charge de la preuve pour l’autorité et garantit le contrôle effectif du financement de la vie politique. Le juge constitutionnel admet toutefois que cette présomption « peut être combattue par tous moyens » par le candidat afin de démontrer l’absence de fonds. La candidate n’a produit aucun justificatif de nature à renverser cette déduction logique lors de l’instruction contradictoire menée devant la haute juridiction. L’omission de rendre les documents officiels scelle donc l’obligation de dépôt et caractérise l’irrégularité de la situation administrative de l’intéressée.

II. La répression d’une méconnaissance grave des règles de financement

A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité du manquement

Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, le Conseil peut prononcer l’inéligibilité en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le juge relève qu’aucune circonstance particulière ne permettait, en l’espèce, de justifier la méconnaissance des obligations résultant des dispositions législatives. La sévérité de la juridiction s’explique par l’importance accordée à la traçabilité des fonds privés qui soutiennent les activités électorales des citoyens. En qualifiant le manquement de « particulière gravité », le Conseil sanctionne une négligence qui fait obstacle au contrôle exercé par l’institution nationale. Cette qualification juridique permet d’écarter de la compétition électorale les candidats ne respectant pas les principes de probité essentiels au jeu démocratique.

B. Une inéligibilité proportionnée aux impératifs de moralisation publique

Le Conseil prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la notification de la présente décision de justice. Cette sanction frappe l’intéressée de manière ferme afin d’assurer l’efficacité des règles de plafonnement et de transparence des dépenses engagées. La décision confirme une jurisprudence constante qui refuse d’excuser la légèreté face aux obligations déclaratives imposées par le législateur organique. La portée de cet arrêt réside dans la réaffirmation du lien indissociable entre la détention de reçus-dons et la nécessité de dépôt. L’autorité de la chose jugée protège ainsi l’égalité entre les candidats et la sincérité du scrutin par une répression des omissions comptables.

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Hassan KOHEN
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