Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision relative au contentieux du financement des élections législatives tenues en juin et juillet 2024. Une candidate d’une circonscription départementale a vu son compte de campagne rejeté par la commission nationale chargée du contrôle des comptes le 9 janvier 2025. Cette autorité a constaté l’absence totale d’ouverture d’un compte bancaire ou postal par le mandataire financier pour retracer les opérations financières de la campagne. Saisie le 28 janvier 2025, la juridiction constitutionnelle doit déterminer si l’omission de cette formalité bancaire justifie une déclaration d’inéligibilité pour la candidate concernée. L’absence d’un compte unique constitue une violation substantielle des exigences de traçabilité des fonds engagés durant la période électorale par le mandataire désigné. Le juge confirme le rejet du compte et prononce l’inéligibilité de l’intéressée pour une durée d’un an à compter de la date de sa décision. L’analyse de cette décision porte d’abord sur la rigueur du cadre comptable imposé aux candidats avant d’étudier la sévérité de la sanction ainsi prononcée.
I. L’exigence impérative de traçabilité par l’ouverture d’un compte bancaire unique
A. L’obligation structurelle de recours à un compte bancaire dédié
Le code électoral impose aux candidats ayant obtenu un certain seuil de suffrages de soumettre leurs dépenses de campagne à un contrôle administratif rigoureux. Le compte de campagne doit « retrace[r], selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées ». Cette obligation comptable repose sur la désignation d’un mandataire financier dont le rôle consiste à centraliser tous les flux monétaires liés à l’élection. L’article L. 52-6 du code électoral « impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Ce compte bancaire constitue l’instrument indispensable permettant à l’autorité de contrôle de vérifier la réalité et la légalité des fonds utilisés par le candidat. La méconnaissance de cette formalité préalable entraîne des conséquences directes sur la validité du compte présenté au contrôle de la commission nationale spécialisée.
B. La sanction inévitable du rejet en l’absence de dispositif de traçabilité
La juridiction constitutionnelle vérifie si l’absence d’ouverture du compte bancaire par le mandataire financier est matériellement établie au regard des pièces du dossier soumis. En l’espèce, le constat du manquement conduit logiquement à confirmer la décision prise initialement par l’autorité administrative de contrôle des financements politiques. Le juge électoral affirme que « c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ». Le rejet du compte devient automatique dès lors que l’absence de compte bancaire spécifique empêche toute vérification de la sincérité des dépenses électorales engagées. Cette irrégularité ne peut être régularisée a posteriori car elle affecte l’essence même du contrôle de la transparence financière imposé par les textes législatifs. Le constat de l’irrégularité comptable conduit le juge à apprécier la nature de la faute commise pour déterminer l’application éventuelle d’une sanction personnelle.
II. La sévérité de la sanction pour méconnaissance des règles de financement
A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité
Le juge dispose de la faculté de prononcer l’inéligibilité d’un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». L’ouverture d’un compte bancaire unique représente une règle substantielle dont le respect ne saurait souffrir d’aucune exception, même pour des dépenses d’un montant limité. Le Conseil constitutionnel souligne que la candidate ne pouvait ignorer la portée de cette règle de financement figurant explicitement dans les dispositions du code électoral. L’omission totale de cette formalité est alors qualifiée de faute grave, car elle prive les autorités de toute possibilité de contrôle effectif sur l’origine des fonds. Le juge estime qu’une telle méconnaissance des règles fondamentales par un candidat à la représentation nationale justifie une réaction juridictionnelle ferme et proportionnée. La constatation de ce manquement grave permet ainsi de fonder une sanction privative de droit dont la durée est fixée par le juge constitutionnel.
B. La portée dissuasive du prononcé d’une inéligibilité d’une durée d’un an
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet de déclarer « inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit » par l’autorité. La décision prononce l’inéligibilité de l’intéressée « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » rendue par le juge. Cette mesure vise à garantir l’intégrité des futurs scrutins en écartant temporairement de la vie politique les candidats ayant failli à leurs obligations financières. La durée d’un an reflète une appréciation équilibrée entre la gravité de la négligence constatée et la protection nécessaire de la sincérité des opérations électorales. La sanction assure une fonction pédagogique en rappelant à l’ensemble des acteurs politiques l’importance capitale du respect des formes imposées par la législation financière. Cette décision confirme enfin la rigueur immuable du juge constitutionnel face aux manquements qui altèrent la transparence indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.