Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6471 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, une décision relative au financement des campagnes électorales pour le scrutin législatif des 30 juin et 7 juillet 2024. Un candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans une circonscription départementale n’avait pas déposé son compte de campagne avant l’expiration du délai légal. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 4 février 2025 afin de statuer sur cette omission. Le candidat fait valoir, pour sa défense, que son mandataire financier n’a pas effectué les démarches nécessaires à l’ouverture d’un compte bancaire obligatoire. La question posée au juge est de savoir si l’absence de dépôt du compte de campagne justifie une déclaration d’inéligibilité malgré les carences invoquées du mandataire. Le Conseil constitutionnel juge que ce manquement présente une particulière gravité et prononce une inéligibilité de trois ans à l’encontre du candidat. L’étude de cette décision conduit à analyser l’exigence de transparence financière avant d’examiner la sévérité de la sanction prononcée.

I. L’exigence de transparence financière dans le cadre électoral

A. L’obligation impérative de dépôt du compte de campagne

Le Code électoral dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement… est tenu d’établir un compte de campagne » dès lors qu’il atteint un seuil de représentativité. Ce document doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées en vue de l’élection sous peine de sanctions administratives et juridictionnelles. Le dépôt doit intervenir au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin auprès de l’autorité de contrôle compétente. Cette règle garantit l’égalité entre les candidats et permet de vérifier la provenance des fonds utilisés durant la période de la campagne électorale. Elle constitue une garantie essentielle pour la sincérité du scrutin et la moralisation de la vie publique française.

B. L’indifférence des difficultés matérielles liées au mandataire

Le candidat invoquait la négligence de son mandataire financier pour justifier l’absence de transmission de ses documents comptables aux services de la commission nationale. Le juge écarte cet argument en précisant qu’il ne résulte pas de l’instruction que « cette circonstance ni aucune autre circonstance particulière » ne justifiait la méconnaissance des obligations légales. La responsabilité finale du dépôt incombe personnellement au candidat qui doit s’assurer de la diligence des personnes qu’il a librement choisies pour l’assister. Cette rigueur assure l’effectivité du contrôle exercé sur les financements politiques en évitant toute stratégie de contournement basée sur des aléas purement techniques. Le respect des délais légaux s’impose ainsi avec une force contraignante à tous les compétiteurs électoraux.

II. La sanction du manquement à l’obligation de dépôt

A. La qualification du manquement d’une particulière gravité

Le juge constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les prescriptions relatives au dépôt de son compte de campagne de manière délibérée. L’article L.O. 136-1 du Code électoral exige cependant que le manquement relevé présente une « particulière gravité » pour justifier une privation du droit de suffrage. Le Conseil considère ici que l’absence totale de dépôt constitue par nature une violation substantielle des règles de financement des campagnes électorales modernes. Une telle omission empêche tout contrôle réel de la sincérité du scrutin et rompt l’équilibre nécessaire entre les différents acteurs de la vie démocratique. Le manquement est alors qualifié sans qu’il soit besoin de démontrer une volonté de fraude manifeste.

B. La portée de l’inéligibilité prononcée par le juge électoral

La décision prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision » conformément aux textes organiques. Cette sanction prive l’intéressé de la possibilité de se présenter à de futures échéances électorales durant une période significative afin de garantir la moralité publique. La durée de trois ans souligne la volonté du juge de réprimer fermement les comportements qui entravent la mission de vérification des comptes de campagne. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à protéger l’intégrité du processus électoral contre les défaillances graves des candidats en matière financière. Elle assure ainsi la crédibilité des institutions représentatives face aux exigences croissantes de transparence.

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Hassan KOHEN
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