Le Conseil constitutionnel, par une décision du 6 juin 2025, n° 2025-6473 AN, statue sur le financement de la campagne d’une candidate aux élections législatives de 2024. L’intéressée n’avait pas ouvert de compte bancaire dédié à ses opérations financières, malgré les exigences impératives fixées par les dispositions du code électoral. L’autorité administrative de contrôle a prononcé le rejet de sa comptabilité le 27 janvier 2025 en raison de cette omission jugée substantielle. Saisi du contentieux, le juge doit apprécier si ce défaut d’individualisation des fonds de campagne justifie une déclaration d’inéligibilité pour l’ancienne candidate. Celle-ci soutient avoir sollicité vainement plusieurs banques avant de saisir sans succès l’institution monétaire centrale pour l’exercice de son droit au compte. Le litige pose la question de savoir si la négligence dans les démarches bancaires caractérise un manquement d’une particulière gravité aux règles de transparence financière. Le juge confirme le rejet du compte et prononce l’inéligibilité pour un an, retenant que l’absence de compte est imputable à la propre impéritie de la candidate.
I. La primauté de l’individualisation bancaire des fonds de campagne
A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte par le mandataire
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique pour retracer la totalité des opérations financières du candidat. Cette règle de fond garantit la transparence du financement électoral en permettant un contrôle effectif des recettes perçues et des dépenses engagées pour le scrutin. Le juge constitutionnel rappelle que « cette circonstance est établie » dès lors qu’aucun compte spécifique n’a été ouvert durant la période légale de financement. L’unité du compte bancaire constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance empêche l’autorité de contrôle de vérifier l’origine et la destination des fonds privés.
B. La confirmation du rejet pour méconnaissance des formalités substantielles
L’autorité administrative a rejeté le compte car la violation des dispositions relatives à l’individualisation des flux financiers était objectivement caractérisée par l’absence de support bancaire. Le Conseil constitutionnel confirme cette analyse en jugeant que « c’est à bon droit » que l’organe de contrôle a écarté la comptabilité de la candidate. L’obligation de présenter un compte en équilibre ou excédentaire ne saurait être respectée sans la traçabilité rigoureuse offerte par l’existence d’un compte dédié. Cette décision réaffirme que le respect des règles de forme est indissociable de la validité substantielle du compte de campagne soumis à l’examen du juge.
II. L’appréciation rigoureuse de la gravité du manquement électoral
A. L’insuffisance de la justification tirée de l’obstacle bancaire externe
La candidate invoque sans succès les refus opposés par les établissements de crédit privés pour justifier l’absence de compte bancaire lors de sa campagne électorale. Elle prétend avoir agi avec la diligence nécessaire en sollicitant l’intervention de l’institution monétaire centrale pour obtenir l’ouverture forcée d’un compte de dépôt. Cependant, l’instruction démontre que le refus de donner suite à la demande de droit au compte est directement « imputable à un manque de diligence ». Le défaut de transmission des documents requis par l’autorité monétaire prive l’intéressée de la possibilité d’exciper d’une force majeure ou d’un obstacle extérieur irrésistible.
B. La sanction du défaut de diligence par le prononcé de l’inéligibilité
L’article L.O. 136-1 permet au juge de prononcer l’inéligibilité lorsqu’il constate l’existence d’un « manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement des campagnes électorales. Le Conseil constitutionnel estime que la légèreté de la candidate dans ses démarches administratives indispensables caractérise cette gravité particulière requise par le texte organique. La sanction d’inéligibilité pour une durée d’un an apparaît proportionnée à la méconnaissance négligente des obligations comptables fondamentales qui incombent à tout candidat sérieux. Cette solution souligne la fermeté du juge face aux comportements passifs qui compromettent la sincérité du contrôle des financements politiques sous la Cinquième République.