Par sa décision n° 2025-6476 AN du 20 juin 2025, le Conseil constitutionnel statue sur le non-respect des règles de financement électoral lors des élections législatives de 2024. Le candidat ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés dans une circonscription des Français de l’étranger était légalement tenu de déposer un compte de campagne. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil après avoir constaté l’absence de dépôt dans les délais légaux prescrits. Le juge constitutionnel doit déterminer si le défaut total de présentation du compte constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant le prononcé d’une mesure d’inéligibilité. Le Conseil déclare le candidat inéligible pour trois ans après avoir relevé l’absence de toute circonstance particulière propre à excuser cette omission de dépôt obligatoire. Cette solution repose sur une analyse rigoureuse de l’obligation de transparence financière avant d’aboutir à l’application d’une sanction proportionnée aux exigences de la vie démocratique.
I. L’exigence impérative du dépôt des comptes de campagne
A. La caractérisation du manquement aux obligations légales
Le code électoral impose une transparence stricte aux candidats afin de garantir l’égalité des moyens et la sincérité du scrutin pour chaque élection nationale. L’article L. 52-12 dispose que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Le Conseil rappelle que ce document doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour la campagne électorale dans un équilibre financier parfait. Dans cette espèce, le candidat n’a déposé aucun compte de campagne alors que le délai légal, fixé au quinzième vendredi suivant le scrutin, était expiré. La juridiction constitutionnelle constate ainsi une violation frontale des dispositions législatives destinées à assurer le contrôle du financement de la vie politique française.
B. L’absence de circonstances justificatives probantes
Le juge constitutionnel examine systématiquement si des éléments extérieurs ou des difficultés insurmontables pourraient expliquer l’omission du candidat et ainsi atténuer sa responsabilité juridique. La décision précise qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». L’absence d’observations de la part de l’intéressé durant la procédure contentieuse renforce le constat d’une négligence manifeste face à des règles de droit public impératives. Ce silence processuel empêche toute qualification de bonne foi et conduit nécessairement le juge à sanctionner la rupture caractérisée de l’obligation de transparence électorale. La rigueur de ce constat permet alors d’engager la phase de répression prévue par les textes organiques relatifs au fonctionnement de l’Assemblée nationale.
II. La sanction de l’inéligibilité au service de la sincérité du scrutin
A. La mise en œuvre de la répression constitutionnelle
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de prononcer l’inéligibilité en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel considère que le défaut de dépôt d’un compte de campagne prive l’administration de tout contrôle sur l’origine et la nature des fonds utilisés. La jurisprudence constante voit dans cette absence totale de reddition des comptes un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Cette qualification juridique entraîne l’exclusion du candidat de la compétition électorale pour une période déterminée par l’appréciation souveraine du juge de l’élection. Le Conseil applique ici strictement la lettre de la loi organique pour préserver l’égalité de traitement entre tous les citoyens se présentant devant les électeurs.
B. La portée de la décision sur la moralisation de la vie publique
En déclarant le candidat inéligible pour trois ans, le Conseil constitutionnel réaffirme sa volonté de protéger l’ordre public électoral contre les dérives financières des candidats. Cette durée de trois ans correspond à la pratique décisionnelle habituelle pour des manquements caractérisés par un mépris total des procédures de dépôt des comptes. La décision souligne l’importance fondamentale de la mission de la Commission nationale des comptes de campagne qui assure le contrôle démocratique des ressources financières. Le juge constitutionnel garantit ainsi la confiance des citoyens dans les institutions en écartant ceux qui s’affranchissent des règles essentielles de la régularité des opérations électorales. Cette sévérité juridique constitue un rappel nécessaire du prix de la probité pour quiconque aspire à exercer un mandat de représentation nationale au sein du Parlement.