Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives de juin 2024. Le litige porte sur l’obligation pour le mandataire financier d’un candidat d’ouvrir un compte bancaire unique pour retracer l’ensemble des opérations financières. Un candidat à la députation dans la deuxième circonscription du Val-de-Marne n’a pas respecté cette formalité substantielle prévue par les dispositions du code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne par une décision rendue le 30 janvier 2025. Saisi en application de l’article L. 52-15 du code électoral, le juge de l’élection doit déterminer si ce manquement justifie le rejet et l’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme la décision de la commission et déclare le candidat inéligible pour une durée d’un an en raison de la gravité du manquement. L’analyse portera d’abord sur l’exigence impérative d’un compte bancaire dédié avant d’examiner la sévérité de la sanction prononcée à l’égard du candidat.
I. L’exigence impérative d’un compte bancaire dédié
A. L’obligation légale de transparence financière
Le code électoral impose une transparence stricte des financements politiques afin de garantir l’égalité entre les candidats durant toute la durée des opérations électorales. L’article L. 52-6 du code électoral oblige le mandataire financier à ouvrir un compte bancaire unique précisant qu’il agit pour le compte du candidat. Cette règle permet à la commission nationale d’assurer un contrôle efficace et exhaustif sur l’origine des recettes ainsi que sur la nature des dépenses. L’absence de compte bancaire empêche toute vérification sérieuse de la réalité des flux financiers circulant durant la période de la campagne électorale législative. La juridiction constitutionnelle rappelle que « le mandataire financier est tenu d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette obligation constitue le socle indispensable sur lequel repose l’ensemble du dispositif de surveillance des dépenses engagées par les différents acteurs de la vie politique.
B. Le constat d’une méconnaissance substantielle des règles
Dans l’espèce commentée, le manquement aux prescriptions législatives ne fait l’objet d’aucune contestation sérieuse de la part de l’intéressé durant la procédure contentieuse. Le candidat n’a pas produit d’observations devant le Conseil constitutionnel malgré la communication de la saisine effectuée par les services du secrétariat général du Conseil. Cette absence de réponse confirme la matérialité de l’omission signalée par la commission nationale dans sa décision de rejet du 30 janvier 2025. Le juge souligne que le défaut d’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire financier est une circonstance parfaitement établie par les pièces du dossier. L’inexistence de cet outil de traçabilité interdit au candidat de se prévaloir d’une gestion transparente de ses fonds en vue du scrutin législatif contesté. Le non-respect de cette formalité préalable entraîne mécaniquement des conséquences juridiques rigoureuses pour le maintien de la validité du compte de campagne déposé tardivement.
II. La sévérité de la sanction face à l’omission formelle
A. La confirmation du rejet du compte de campagne
Le rejet du compte de campagne apparaît comme la conséquence directe et nécessaire de l’absence de compte bancaire dédié aux opérations de financement électoral. L’article L. 52-12 du code électoral subordonne la validation du compte au respect scrupuleux des règles de présentation et de traçabilité des fonds engagés. Le Conseil constitutionnel affirme que « c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte ». Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui sanctionne l’impossibilité de contrôler l’équilibre financier d’une campagne par le biais d’un compte unique. La décision réaffirme la valeur fondamentale du principe de sincérité financière qui doit guider chaque candidat lors d’une élection au suffrage universel direct. Le caractère automatique de cette sanction administrative souligne l’importance accordée par le législateur à la surveillance préventive des ressources utilisées par les candidats.
B. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée
Au-delà du simple rejet comptable, le juge électoral dispose du pouvoir de prononcer l’inéligibilité du candidat en cas de manquement d’une particulière gravité constaté. L’article L.O. 136-1 du code électoral permet d’écarter de la vie publique ceux qui ignorent délibérément les règles essentielles du financement des campagnes électorales. Le Conseil estime que l’omission commise présente une gravité certaine car le candidat ne pouvait raisonnablement ignorer la portée des dispositions du code électoral. La méconnaissance d’une règle aussi élémentaire que l’ouverture d’un compte bancaire spécifique caractérise une négligence qui justifie une mise à l’écart de l’arène politique. Le juge fixe la durée de cette inéligibilité à un an à compter de la présente décision rendue publique par la voie du Journal officiel. Cette modulation de la sanction illustre la volonté de proportionner la peine à la nature de la faute commise sans pour autant l’excuser.