Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 20 juin 2025, se prononce sur le respect des obligations comptables impératives lors des élections législatives de l’été 2024. Une candidate s’est présentée dans la huitième circonscription des Hauts-de-Seine avant que son compte de campagne ne soit soumis à l’examen de l’autorité de contrôle.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte le 3 février 2025 car aucun compte bancaire spécifique n’avait été ouvert. Saisi le 10 février 2025 par ladite commission, le Conseil constitutionnel doit déterminer si ce manquement justifie le rejet définitif du compte et le prononcé d’une inéligibilité. Le juge électoral confirme la décision administrative et déclare l’intéressée inéligible pour une durée d’un an en raison de la particulière gravité du manquement constaté par les juges.
I. La confirmation de l’irrégularité substantielle du financement électoral
A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire unique
Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour toutes les opérations. Ce compte doit « retracer la totalité de ses opérations financières » effectuées en vue de l’élection pour assurer une traçabilité parfaite des fonds engagés par le candidat. L’obligation de transparence financière constitue un pilier de l’équilibre démocratique en permettant un contrôle effectif des ressources et des dépenses engagées durant la période électorale.
L’absence d’un tel compte bancaire prive l’organe de contrôle de la possibilité de vérifier la réalité et l’origine des flux financiers transitant pour la campagne. Le juge souligne ainsi la prééminence de cette règle technique qui ne souffre aucune exception, même pour les candidats disposant de moyens financiers modestes ou limités.
B. La validation du rejet du compte de campagne par le juge électoral
Le compte de campagne doit impérativement être déposé avant le dixième vendredi suivant le scrutin et présenter un équilibre ou un excédent sans jamais être déficitaire. La décision souligne que le mandataire « n’avait pas ouvert de compte bancaire », ce qui contrevient directement aux dispositions précises du deuxième alinéa de l’article L. 52-6. Le juge constitutionnel estime que cette circonstance est matériellement établie et ne peut faire l’objet d’aucune régularisation a posteriori devant la juridiction de saisine.
Le Conseil conclut donc que c’est « à bon droit » que la commission nationale a rejeté le compte de campagne en raison de cette omission fondamentale. Cette décision renforce la rigueur nécessaire dans la gestion des fonds électoraux et prévient toute tentative de dissimulation des circuits financiers par les candidats à l’élection.
II. La mise en œuvre rigoureuse de la sanction d’inéligibilité
A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat dont le compte a été rejeté en cas de manquement d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel retient ici la « particulière gravité du manquement à une règle » dont l’intéressée ne pouvait raisonnablement ignorer la portée juridique et pratique. L’absence de compte bancaire est systématiquement qualifiée de faute grave par la jurisprudence constante, car elle empêche tout contrôle réel de la probité des opérations financières.
La juridiction électorale n’exige pas la preuve d’une intention frauduleuse pour prononcer une telle sanction, la seule méconnaissance d’une règle essentielle du financement suffisant à la caractériser. La candidate n’ayant produit aucune observation pour justifier cette carence, le juge constate l’absence de circonstances atténuantes susceptibles de modérer la qualification juridique de la faute.
B. L’application d’une peine d’inéligibilité d’une durée proportionnée
Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour fixer la durée de l’inéligibilité, laquelle peut s’étendre jusqu’à une période maximale de trois années selon les textes. Dans cette espèce, le Conseil constitutionnel prononce l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour « une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette mesure de police électorale vise à écarter temporairement de la vie publique les citoyens qui n’ont pas respecté les prescriptions minimales de transparence.
La sanction retenue apparaît mesurée au regard de la jurisprudence habituelle, marquant la volonté du juge de sanctionner fermement l’irrégularité sans pour autant infliger la peine maximale. La publication de cette décision au Journal officiel assure l’effectivité de l’interdiction de se présenter à tout nouveau scrutin durant l’année suivant le rendu du délibéré.