Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6496 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision marquante sous le numéro 2025-6496 AN concernant le contentieux des élections législatives nationales. Cette décision porte sur le respect des règles de financement des campagnes électorales au sein de la onzième circonscription du département du Pas-de-Calais. Un candidat ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés n’a pas déposé son compte de campagne dans les délais légaux prescrits. Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la juridiction devait statuer sur l’éligibilité de l’intéressé pour les années futures.

Le candidat soutient l’absence totale de recettes et de dépenses durant sa campagne pour justifier le défaut de dépôt des pièces comptables obligatoires. Cependant, l’instruction révèle que le mandataire financier n’a jamais procédé à l’ouverture obligatoire d’un compte bancaire de campagne par l’intermédiaire d’une banque. Le Conseil constitutionnel se trouve confronté à l’absence de preuves matérielles attestant la véracité des déclarations de l’ancien compétiteur électoral défaillant dans ses devoirs. La question posée est de savoir si l’absence de dépôt du compte, doublée d’une défaillance structurelle du mandataire, justifie une déclaration d’inéligibilité.

Les juges du Palais-Royal considèrent que le candidat n’a pas respecté ses obligations légales malgré les seuils de voix atteints lors du scrutin législatif. Cette défaillance constitue un manquement d’une particulière gravité en l’absence de circonstances exceptionnelles pouvant justifier une telle omission répétée et clairement caractérisée. En conséquence, la juridiction prononce une peine d’inéligibilité pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente décision publique. L’étude de cette solution nécessite d’examiner d’abord la caractérisation du manquement comptable puis la rigueur de la sanction prononcée par les juges constitutionnels.

**I. L’objectivation d’un manquement aux impératifs de transparence financière**

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant franchi certains seuils de déposer un compte de campagne rigoureusement équilibré et sincère. Cette obligation garantit la transparence du scrutin en permettant un contrôle effectif des ressources et des dépenses engagées pour la conquête des suffrages des citoyens.

**A. Une méconnaissance caractérisée des obligations comptables**

Le candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés » ou bénéficié de dons. Dans cette espèce, le seuil légal d’un pour cent a été atteint lors du premier tour organisé le 30 juin 2024 par l’administration. Le non-respect du délai fixé au dixième vendredi suivant le scrutin prive l’autorité de contrôle de sa mission de vérification financière annuelle obligatoire. L’absence de dépôt constitue une violation directe des règles de financement public qui structurent l’ensemble du droit électoral français contemporain par la loi.

**B. L’insuffisance des justifications relatives à l’absence de flux financiers**

L’intéressé tente de justifier son omission par l’absence totale de mouvements financiers au cours de sa participation aux opérations électorales dans sa circonscription. Cependant, le Conseil constitutionnel relève que « son mandataire financier n’a pas ouvert de compte bancaire » conformément aux exigences strictes prévues par la loi organique. Cette défaillance administrative initiale rend le candidat « insusceptible de produire les relevés bancaires » qui pourraient seul attester la réalité de son inactivité comptable. L’absence de compte bancaire neutralise toute possibilité de preuve et interdit la validation de la sincérité des dépenses électorales par la commission compétente.

L’impossibilité matérielle de contrôler la sincérité du financement électoral entraîne logiquement une réaction sévère de la part du juge chargé de l’éligibilité des parlementaires.

**II. La sanction d’une méconnaissance grave des règles électorales**

La loi organique permet aux juges d’écarter de la vie publique les candidats dont le comportement financier présente des zones d’ombre manifestes et dommageables. Cette prérogative assure la discipline nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie représentative en sanctionnant les négligences les plus lourdes commises par les candidats.

**A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité**

L’article L.O. 136-1 prévoit l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » pour les députés nationaux. Le Conseil constitutionnel estime ici que l’absence de dépôt associée à la carence du mandataire financier revêt une dimension de gravité tout à fait suffisante. Les juges soulignent qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » légales. Cette sévérité s’explique par le fait que le respect des délais de dépôt est une condition impérative de l’ordre public électoral national.

**B. L’effectivité de la sanction par le prononcé de l’inéligibilité**

Le dispositif de la décision déclare le candidat inéligible pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente séance solennelle. Cette mesure frappe « tout mandat » et manifeste la volonté du juge de protéger l’intégrité des futures consultations électorales sur l’ensemble du territoire. « Compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », la juridiction ne fait qu’appliquer la lettre et l’esprit du code électoral français actuel. La sanction proportionnée rappelle aux futurs candidats l’importance capitale de la nomination d’un mandataire financier diligent et respectueux des procédures bancaires en vigueur.

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Hassan KOHEN
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