Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 20 juin 2025, se prononce sur le respect des règles de financement des campagnes électorales législatives. Une candidate aux élections des 30 juin et 7 juillet 2024 a vu son compte de campagne rejeté par l’autorité administrative compétente. Son mandataire financier n’avait ouvert aucun compte bancaire spécifique, en méconnaissance manifeste des obligations électorales prévues par le code applicable à cette matière. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a alors saisi le juge constitutionnel le 12 février 2025 pour statuer.
La question posée au juge consistait à déterminer si le défaut d’ouverture d’un compte bancaire dédié justifiait le rejet définitif du compte. Il convenait également de décider si une telle omission constituait un manquement d’une particulière gravité entraînant nécessairement l’inéligibilité de la candidate. Le Conseil constitutionnel confirme la décision administrative et déclare l’intéressée inéligible pour une durée d’un an à compter du prononcé de la sentence.
I. La méconnaissance caractérisée d’une formalité substantielle du financement électoral
A. L’exigence impérative de l’ouverture d’un compte bancaire dédié
Le code électoral impose au mandataire financier d’« ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle de transparence permet de garantir l’étanchéité absolue entre les fonds personnels du candidat et les moyens consacrés à la conquête des suffrages. L’utilisation d’un compte spécifique facilite le contrôle ultérieur exercé par la Commission nationale sur la réalité et l’origine des recettes perçues. La candidate ne saurait s’affranchir de cette formalité sans compromettre la sincérité du bilan financier qu’elle doit obligatoirement présenter à l’autorité de régulation.
B. La confirmation du rejet du compte pour absence de traçabilité financière
Le Conseil constitutionnel souligne que « cette circonstance est établie » dès lors que le mandataire financier a négligé d’ouvrir le compte prescrit. Le rejet du compte de campagne apparaît comme la conséquence juridique inévitable d’une telle lacune, car il interdit toute vérification probante des flux monétaires. L’absence de compte bancaire rend impossible la mise en état d’examen prévue par les textes et prive le juge de ses moyens d’investigation. La rigueur du dispositif législatif ne laisse aucune place à l’approximation technique lorsque la clarté du financement démocratique est en cause.
II. La mise en œuvre rigoureuse de la sanction d’inéligibilité
A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 prévoit l’inéligibilité en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales » constaté par le juge. Le Conseil constitutionnel estime que l’omission litigieuse présente ce caractère de gravité dès lors qu’elle touche à une règle dont la portée est fondamentale. Le juge rappelle ici que la candidate « ne pouvait ignorer la portée » de l’obligation pesant sur son mandataire durant toute la période électorale. La méconnaissance d’une norme aussi élémentaire du droit électoral contemporain ne peut être interprétée comme une simple erreur matérielle dépourvue de conséquences.
B. L’application proportionnée d’une interdiction de se présenter aux suffrages
La décision prononce une inéligibilité d’un an, ce qui constitue une réponse graduée à la faute commise par la candidate lors du scrutin. Cette sanction vise à protéger l’intégrité des consultations futures en écartant temporairement les individus n’ayant pas respecté les principes de la comptabilité publique. Le juge constitutionnel exerce ainsi son office de gardien de la moralité républicaine en sanctionnant la négligence par une privation du droit d’éligibilité. La sévérité de la mesure reste toutefois mesurée au regard de la durée maximale prévue par la loi organique pour ce type de contentieux.