Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6498 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025 portant le numéro 2025-6498 AN, s’est prononcé sur le respect des obligations comptables électorales. Une candidate ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés lors du scrutin législatif devait déposer son compte de campagne avant le 6 septembre 2024. Ce dépôt n’est intervenu que le 14 octobre 2024, entraînant une saisine du juge par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. L’intéressée invoquait des difficultés rencontrées par son mandataire financier pour l’ouverture d’un compte bancaire afin de justifier ce retard manifeste par rapport au calendrier. La question posée était de savoir si le non-respect du délai légal de dépôt constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une mesure d’inéligibilité. Le Conseil a considéré que ce retard caractérisait une violation substantielle des règles de financement malgré les justifications matérielles produites par la candidate à l’élection. L’analyse portera sur la caractérisation rigoureuse de l’obligation de dépôt avant d’étudier la portée de la sanction prononcée au nom de la transparence républicaine.

**I. La caractérisation rigoureuse de l’obligation de dépôt des comptes**

Le juge électoral rappelle fermement le cadre temporel strict imposé par le code électoral tout en écartant les circonstances atténuantes liées aux démarches bancaires infructueuses.

**A. Le constat objectif du dépassement du délai légal**

L’article L. 52-12 du code électoral dispose que le compte de campagne « doit être déposé à la Commission nationale au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour ». En l’espèce, le délai expirait le 6 septembre 2024 alors que le document ne fut enregistré que plus d’un mois après cette échéance réglementaire. Le Conseil constitutionnel souligne que la candidate était tenue d’établir ce compte dès lors qu’elle avait franchi le seuil des 1 % des suffrages exprimés. La date de dépôt constitue une règle impérative dont le dépassement prive la commission de contrôle de sa capacité à exercer sa mission dans les délais. Cette méconnaissance formelle place immédiatement le candidat sous le coup des dispositions de l’article L.O. 136-1 prévoyant la saisine directe du juge de l’élection législative.

**B. L’inefficacité des justifications tirées des difficultés matérielles**

Pour justifier son retard, la candidate invoquait « les difficultés rencontrées par son mandataire financier pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire » durant la période de campagne. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument en affirmant que « cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant du droit électoral. Le juge estime que les obstacles administratifs ne sauraient exonérer le candidat de sa responsabilité personnelle quant au respect du calendrier légal de dépôt des comptes. Cette solution protège l’égalité entre les candidats en empêchant que des aléas logistiques ne deviennent des prétextes récurrents pour différer le contrôle financier obligatoire. Le manquement étant ainsi établi de manière irréfragable, il convient d’apprécier la qualification juridique retenue par le juge pour fonder sa sanction d’inéligibilité.

**II. La sévérité de la sanction au service de la sincérité du scrutin**

La qualification de manquement grave permet au juge de prononcer une inéligibilité d’un an, renforçant ainsi la portée pédagogique et répressive de la jurisprudence constitutionnelle.

**A. La qualification de manquement d’une particulière gravité**

Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article L.O. 136-1 qui exige une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » pour agir. Bien qu’aucune intention frauduleuse ne soit explicitement relevée, le retard de plusieurs semaines est considéré en lui-même comme un fait d’une gravité juridique substantielle. Les juges précisent que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », l’inéligibilité doit être prononcée sans que d’autres critères ne tempèrent la faute. Cette interprétation suggère que le respect des délais est une composante essentielle de la loyauté du financement politique dans une société démocratique et transparente. Le juge refuse toute modulation qui viderait de sa substance l’obligation de transparence financière imposée par le législateur organique aux futurs représentants de la nation.

**B. L’inéligibilité comme garantie nécessaire de l’ordre public électoral**

La décision frappe la candidate d’une inéligibilité « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » conformément aux textes organiques. Cette sanction temporaire vise à écarter de la vie publique les candidats dont la gestion comptable a présenté des défaillances incompatibles avec la fonction parlementaire. La publication au Journal officiel assure l’opposabilité de cette mesure et informe les électeurs de la méconnaissance caractérisée des règles par l’ancienne prétendante au mandat. Cette jurisprudence constante témoigne de la volonté du Conseil constitutionnel de maintenir une discipline budgétaire rigoureuse pour garantir la sincérité des consultations électorales à venir. Le rappel à l’ordre juridique s’impose comme une nécessité absolue pour préserver la confiance légitime des citoyens dans le financement de la vie politique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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