Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6498 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 juin 2025, s’est prononcé sur l’inéligibilité d’une candidate aux élections législatives de juin et juillet 2024. Une candidate dans une circonscription d’outre-mer n’a pas déposé son compte de campagne dans les délais légaux prescrits par le code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel le 13 février 2025 suite à ce dépôt tardif. L’intéressée justifiait ce retard par les difficultés de son mandataire financier à ouvrir un compte bancaire indispensable aux opérations électorales. La question se posait de savoir si le dépassement du délai de dépôt, justifié par des obstacles bancaires, constituait un manquement d’une particulière gravité. Les juges de la rue de Montpensier considèrent que le retard de plusieurs semaines caractérise une méconnaissance grave des obligations de transparence financière. L’étude du respect rigoureux des délais de dépôt précèdera l’analyse de l’intransigeance du juge face aux justifications fondées sur des obstacles techniques.

I. La rigueur du délai de dépôt des comptes de campagne

A. L’exigence légale d’un dépôt dans les délais prescrits

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne précis. Ce document comptable doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne au plus tard le dixième vendredi suivant le scrutin. En l’espèce, le délai expirait le 6 septembre 2024 alors que le dépôt effectif n’est intervenu que le 14 octobre suivant. Le Conseil relève que la candidate « a déposé son compte de campagne […] soit après l’expiration de ce délai » fixé par la loi. Cette obligation de célérité garantit le contrôle effectif des dépenses électorales par l’autorité administrative dans un cadre temporel strictement défini. La méconnaissance de ce calendrier impératif fragilise l’égalité entre les candidats et la sincérité du scrutin par l’opacité temporaire des finances.

B. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité

Le juge constitutionnel dispose du pouvoir de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les conditions de dépôt prévues à l’article L. 52-12. L’article L.O. 136-1 permet cette sanction en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Le retard constaté s’élève ici à plus d’un mois, ce qui excède largement les simples erreurs matérielles ou les retards de quelques jours. Le Conseil estime que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », il y a lieu de prononcer une sanction d’inéligibilité. Cette sévérité jurisprudentielle souligne l’importance accordée au respect des formes et des délais dans le contentieux électoral de la transparence financière. La solution retenue illustre une volonté de sanctionner tout décalage temporel significatif qui entrave la mission de contrôle de la commission nationale.

II. L’inefficacité des obstacles bancaires comme cause justificative

A. L’insuffisance des difficultés matérielles de l’ouverture d’un compte

Pour tenter de s’exonérer, l’intéressée invoquait les difficultés rencontrées par son mandataire pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire nécessaire aux opérations de campagne. Elle espérait que cet obstacle administratif indépendant de sa volonté constituerait une circonstance atténuante ou une cause de justification valable pour son retard. Cependant, le Conseil constitutionnel rejette fermement cet argument en affirmant que « cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations » légales. Le juge considère que les aléas liés aux relations avec les établissements bancaires incombent au candidat et à son équipe de campagne. Cette position rigoureuse oblige les prétendants aux fonctions électives à anticiper les éventuelles lourdeurs administratives dès le début de la période électorale. L’absence de compte bancaire ne saurait donc paralyser l’application du calendrier légal impératif régissant le dépôt des comptes à la commission.

B. La primauté de la transparence financière sur les contingences individuelles

La décision du 20 juin 2025 confirme une jurisprudence constante privilégiant la clarté des comptes de campagne sur les difficultés personnelles des candidats. Le Conseil prononce une inéligibilité d’un an, durée proportionnée au manquement constaté sans pour autant atteindre le maximum légal parfois requis. Cette sanction emporte l’interdiction de se présenter à tout mandat électoral, rappelant que la candidate « est déclarée inéligible […] pour une durée d’un an ». La portée de cet arrêt réside dans la confirmation que la force majeure ou les difficultés techniques sont interprétées très restrictivement. Le droit électoral moderne exige une discipline comptable sans faille afin d’assurer l’assainissement moral de la vie publique et l’équilibre des chances. Cette décision rappelle ainsi aux futurs candidats que la gestion financière de leur campagne nécessite autant de rigueur que leur engagement politique.

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Hassan KOHEN
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