Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6498 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025, s’est prononcé sur le respect des obligations comptables imposées aux candidats lors des élections législatives. Une candidate s’étant présentée dans une circonscription départementale lors des scrutins des 29 juin et 6 juillet 2024 a fait l’objet d’une saisine. Ayant obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, elle était tenue de déposer son compte de campagne avant le 6 septembre 2024 à 18 heures. Le dépôt effectif n’est intervenu que le 14 octobre 2024, soit avec plus d’un mois de retard par rapport au délai légalement prescrit. L’autorité administrative de contrôle a saisi le juge électoral le 13 février 2025 afin de statuer sur ce manquement aux règles de financement. La candidate a présenté ses observations en faisant valoir les difficultés rencontrées par son mandataire pour procéder à l’ouverture d’un compte bancaire. La question posée au Conseil constitutionnel était de savoir si le dépassement du délai de dépôt constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité. Le juge a considéré que cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations légales et a prononcé une inéligibilité d’un an. Cette décision souligne la rigueur du calendrier électoral avant d’aborder la proportionnalité de la sanction retenue par les membres de la juridiction constitutionnelle.

I. L’exigence impérative du respect des délais de dépôt du compte de campagne

A. La fixation d’un cadre temporel rigide pour la transparence financière

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés l’obligation d’établir un compte de campagne rigoureux. Ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». La loi fixe impérativement le dépôt auprès de l’autorité compétente avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. En l’espèce, le délai expirait le 6 septembre 2024, mais la candidate n’a transmis ses pièces comptables que le 14 octobre suivant. Le respect de ce calendrier constitue une garantie essentielle de l’égalité entre les candidats et de la sincérité du contrôle exercé par l’administration.

B. L’inopportunité des difficultés bancaires comme motif d’exonération

La candidate tentait de justifier ce retard substantiel en invoquant les obstacles matériels rencontrés par son mandataire financier lors de l’ouverture du compte bancaire. Le Conseil constitutionnel écarte fermement cet argument en précisant que « cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». Les difficultés liées aux démarches auprès des établissements de crédit ne sauraient suspendre ou proroger les délais fixés par les dispositions du code électoral. La jurisprudence maintient une approche stricte afin d’éviter que des défaillances administratives ou privées ne nuisent à la célérité nécessaire du contentieux électoral.

II. La caractérisation du manquement et le prononcé de l’inéligibilité

A. L’appréciation souveraine de la particulière gravité du retard

L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte dans les conditions et les délais prescrits par la loi. Cette mesure suppose toutefois la constatation d’une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le retard de plus de cinq semaines constaté dans cette affaire dépasse largement le simple aléa technique pour constituer une faute caractérisée. Le juge estime que l’absence de dépôt dans les temps impartis entrave le bon déroulement des opérations de vérification indispensables à la vie démocratique.

B. L’application d’une sanction électorale proportionnée à la méconnaissance de la loi

Compte tenu de la gravité de l’omission, la juridiction prononce l’inéligibilité de l’intéressée à tout mandat pour une durée d’un an à compter de sa décision. Cette sanction découle directement de la constatation du manquement sans que le juge n’ait à rechercher une intention frauduleuse de la part de la candidate. La publication de cette décision au Journal officiel assure l’effectivité immédiate de l’interdiction d’exercer des fonctions électives pendant la période déterminée. La rigueur de cette solution confirme la volonté du Conseil constitutionnel de sanctionner fermement toute négligence portant atteinte aux règles de transparence financière.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture