Le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 juin 2025, a statué sur la régularité du compte de campagne d’un candidat aux élections législatives. Le litige porte sur le plafonnement des emprunts souscrits auprès de personnes physiques pour le financement de dépenses électorales engagées durant le scrutin. Un candidat s’est présenté dans la deuxième circonscription des Côtes-d’Armor lors des élections qui se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024. Le compte de campagne déposé retraçait des recettes provenant d’emprunts privés pour un montant total dont la légalité était contestée par l’autorité administrative. L’autorité de contrôle a rejeté ce compte le 10 février 2025 avant de saisir le juge constitutionnel le 19 février suivant. Le candidat concerné n’a produit aucune observation devant le Conseil constitutionnel malgré la communication de la saisine effectuée par le secrétariat général. La question posée au juge est de savoir si le dépassement du plafond des emprunts privés constitue un manquement justifiant l’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an en raison de la particulière gravité du manquement constaté. La démonstration de l’irrégularité matérielle (I) commande l’examen des conséquences juridiques attachées à la décision (II).
I. La caractérisation d’une irrégularité comptable manifeste
A. L’encadrement impératif des emprunts auprès des personnes physiques
L’article L. 52-7-1 du code électoral limite strictement la possibilité pour un candidat d’emprunter des fonds auprès de simples personnes physiques. Ces prêts ne peuvent être consentis qu’à la condition que le montant total dû demeure inférieur ou égal au plafond de remboursement forfaitaire. Cette règle vise à garantir l’indépendance des candidats et à prévenir tout financement excessif par des intérêts privés non institutionnels. Le Conseil rappelle que « les dépenses électorales des candidats font l’objet d’un remboursement forfaitaire de la part de l’État égal à 47,5 % ». Le respect de ce plafond constitue une condition substantielle de la régularité du financement de la campagne pour tout candidat aux élections législatives.
B. Le constat matériel du dépassement du plafond légal
En l’espèce, le compte de campagne du candidat faisait état de recettes issues d’emprunts privés s’élevant à un montant global de 45 600 euros. Le plafond de remboursement forfaitaire applicable dans cette circonscription spécifique n’autorisait pourtant que des emprunts d’un montant maximal de 34 249 euros. Le dépassement constaté est donc supérieur à onze mille euros, ce qui représente une part significative du budget global autorisé par la législation. Le Conseil constitutionnel affirme de manière laconique que « ces circonstances sont établies » pour valider les conclusions de l’autorité de contrôle. L’existence de cette irrégularité comptable entraîne nécessairement des conséquences juridiques sévères sur la validité du compte et la capacité électorale de l’intéressé.
II. La sanction d’un manquement d’une particulière gravité
A. La confirmation du rejet du compte de campagne
Le Conseil constitutionnel juge « à bon droit » le rejet prononcé initialement par l’autorité administrative de contrôle des comptes de campagne. La méconnaissance d’une règle relative aux recettes du compte constitue un motif péremptoire pour écarter la validité globale des opérations comptables effectuées. Le juge ne dispose d’aucune marge d’appréciation face à un dépassement arithmétique aussi net des plafonds prévus par les dispositions du code électoral. Le compte doit impérativement retracer l’ensemble des recettes perçues « selon leur origine » et les dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. La sanction administrative du rejet est la suite logique et inéluctable du constat du manquement aux obligations de financement pesant sur le candidat.
B. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée
L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Le Conseil constitutionnel retient ici cette qualification de particulière gravité pour justifier l’exclusion du candidat de la vie publique pendant une période déterminée. L’importance du montant excédant le plafond autorisé justifie la sévérité de la mesure sans qu’il soit nécessaire de démontrer une intention frauduleuse. Le juge décide en conséquence de « prononcer l’inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette solution assure l’effectivité des règles de financement tout en limitant la durée de la sanction à une mesure jugée proportionnée au manquement.