Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6510 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025, s’est prononcé sur le compte de campagne d’un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024. Le mandataire financier, désigné le 15 juin 2024, n’a pas réglé l’intégralité des dépenses engagées pour cette consultation électorale précise. Le candidat a procédé au paiement direct de diverses factures de campagne postérieurement à cette nomination obligatoire prévue par le code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte le 17 février 2025 en raison de ces irrégularités. Saisi par cette autorité administrative, le juge de l’élection doit déterminer si ces manquements justifient l’annulation du compte et le prononcé d’une inéligibilité. La haute juridiction confirme le rejet du compte de campagne mais écarte toute sanction d’inéligibilité à l’encontre de l’intéressé.

I. La confirmation rigoureuse du rejet du compte de campagne

A. L’exclusivité de principe de l’intervention du mandataire financier

L’article L. 52-4 du code électoral impose au mandataire financier de régler les dépenses engagées en vue de l’élection pour garantir la transparence. Cette règle fondamentale assure la traçabilité intégrale des flux financiers et permet un contrôle démocratique efficace des fonds engagés lors des scrutins nationaux. Le juge rappelle qu’il « appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection » de manière quasi exclusive. Seules les menues dépenses échappent à cette obligation sous réserve d’un montant globalement faible et négligeable par rapport au plafond légal de la circonscription. Cette exception demeure strictement encadrée par la jurisprudence pour éviter tout contournement frauduleux des dispositifs de surveillance de la vie politique française.

B. Le caractère substantiel des règlements directs prohibés

En l’espèce, les paiements effectués personnellement par le candidat s’élèvent à la somme totale de deux mille cent un euros après sa désignation officielle. Ce montant représente plus de neuf pour cent des dépenses inscrites au compte de campagne soumis au contrôle rigoureux de l’administration et du juge. Le Conseil constitutionnel juge que « le candidat a réglé directement, après la désignation du mandataire, une part substantielle des dépenses engagées » pour sa communication. La méconnaissance des dispositions législatives apparaît manifeste puisque ces règlements sont intervenus après l’entrée en fonction du mandataire financier chargé de la comptabilité. La décision administrative de rejet se trouve ainsi confirmée par le juge électoral en raison de la matérialité indiscutable de cette violation caractérisée.

II. La tempérance mesurée du prononcé de l’inéligibilité

A. La subsidiarité de la sanction d’inéligibilité

Le rejet d’un compte de campagne n’entraîne pas automatiquement l’inéligibilité du candidat dont la probité comptable est mise en cause par la commission. L’article L.O. 136-1 du code électoral exige effectivement soit une volonté de fraude, soit un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour moduler la sanction au regard des circonstances propres à chaque dossier présenté devant son autorité. Cette distinction protège l’exercice du mandat électif contre des irrégularités purement formelles ou dépourvues d’une intention malveillante dûment constatée par l’instruction contentieuse. Le droit électoral privilégie ici une approche proportionnée afin de ne pas altérer inutilement la représentation nationale par une sévérité excessive.

B. L’absence de gravité particulière au regard du plafond légal

Pour écarter l’inéligibilité, la juridiction s’appuie principalement sur le faible impact des dépenses litigieuses par rapport au plafond de dépenses autorisé par la loi. Ces paiements directs ne correspondent qu’à moins de trois pour cent de la limite légale fixée pour la circonscription électorale concernée par le litige. Le Conseil souligne que « dans les circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de prononcer l’inéligibilité » de la personne dont l’élection est contestée. L’absence de volonté de fraude délibérée et la modicité relative des sommes en jeu justifient pleinement cette clémence jurisprudentielle traditionnelle du juge. La décision assure ainsi un équilibre nécessaire entre le respect des formes comptables et la préservation des droits politiques fondamentaux du citoyen candidat.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture