Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6510 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision relative au contentieux du financement des élections législatives organisées en juin et juillet 2024. Cette affaire interroge l’application rigoureuse des règles de mandatement financier et les conditions de prononcé d’une peine d’inéligibilité. Un candidat à la députation avait désigné un mandataire financier. Il a néanmoins procédé personnellement au règlement de plusieurs factures après cette nomination officielle.

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte le 17 février 2025. Elle a ensuite saisi le juge électoral. L’instance devait déterminer si ces paiements directs constituaient une violation justifiant l’invalidation comptable et l’exclusion du droit de se présenter. Le Conseil constitutionnel confirme le bien-fondé du rejet du compte de campagne. Il refuse cependant de déclarer l’intéressé inéligible au regard des circonstances de l’espèce.

I. La confirmation rigoureuse du rejet du compte de campagne

A. Le principe de l’exclusivité du mandataire financier

Le Code électoral impose que le mandataire financier règle seul les dépenses électorales engagées avant le scrutin, hormis les frais pris en charge par les partis. Les magistrats rappellent que « le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis » sous des conditions cumulatives très strictives. Le montant doit demeurer faible par rapport au total des dépenses inscrites au compte et négligeable au regard du plafond légal autorisé par la loi. Cette règle protège la transparence financière en centralisant les flux monétaires entre les mains d’un tiers responsable devant l’administration électorale.

B. Le caractère substantiel des paiements directs prohibés

En l’espèce, les paiements effectués personnellement par le candidat après la désignation de son mandataire s’élevaient à la somme totale de 2 101 euros. Ce montant représentait 9,63 % des dépenses globales et dépassait ainsi largement le seuil de tolérance admis pour de simples menues dépenses courantes. Le Conseil juge que « c’est à bon droit » que la commission administrative a prononcé le rejet des comptes présentés par le candidat à l’élection. La méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-4 du Code électoral est caractérisée par le volume significatif des règlements effectués sans intermédiaire.

II. L’application tempérée de la sanction d’inéligibilité

A. Les critères de gravité du manquement aux règles de financement

L’article L.O. 136-1 du Code électoral permet au juge de déclarer inéligible un candidat dont le compte de campagne a été rejeté de manière régulière. Cette sanction n’est toutefois pas automatique car elle nécessite la preuve d’une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles financières. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour mesurer l’intention de l’auteur ou l’impact réel des irrégularités commises sur la sincérité du scrutin. Il doit confronter la matérialité de l’erreur administrative avec les principes fondamentaux de la vie démocratique et de l’équité entre les compétiteurs.

B. L’absence de proportionnalité entre la faute et l’inéligibilité

Le Conseil constitutionnel souligne que les dépenses litigieuses ne représentent que 2,98 % du plafond légal autorisé dans la circonscription électorale concernée par le litige. Malgré le « caractère substantiel de l’obligation méconnue », le juge estime que l’ampleur du manquement ne justifie pas l’exclusion de la vie politique nationale. La décision écarte ainsi l’inéligibilité en raison de l’absence de fraude manifeste et de l’impact limité de ces versements sur le résultat de l’élection. Cette indulgence relative illustre une volonté de proportionner la peine aux conséquences concrètes de la faute commise par le mandataire ou le candidat.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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