Par une décision rendue le 20 juin 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la validité du compte de campagne d’un candidat aux élections législatives de juin 2024. Ce dernier a personnellement acquitté plusieurs dépenses après la désignation de son mandataire financier, intervenue au mois de juin 2024. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte par une décision datée du 17 février 2025. Elle a ensuite saisi le juge de l’élection afin qu’il statue sur une éventuelle inéligibilité du candidat concerné par ces manquements. Le juge doit déterminer si le paiement direct de dépenses substantielles justifie le rejet du compte et le prononcé d’une sanction d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme la décision de rejet administratif mais refuse de déclarer le candidat inéligible en raison de la faible proportion du manquement constaté.
I. La confirmation du rejet du compte de campagne pour méconnaissance des règles de financement
A. Le caractère impératif du monopole du mandataire financier
Le juge de l’élection rappelle qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection. Cette obligation légale, inscrite à l’article L. 52-4 du code électoral, vise à garantir la transparence et la traçabilité intégrale des flux financiers. Le Conseil constitutionnel précise que « le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis » sous des conditions strictement cumulatives. Le montant de ces frais doit demeurer « faible par rapport au total des dépenses du compte » et « négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées ». Cette tolérance jurisprudentielle ne saurait toutefois devenir le principe, sous peine de vider de sa substance la mission de contrôle dévolue au mandataire.
B. La matérialité de l’irrégularité au regard du volume des dépenses
En l’espèce, le candidat a réglé directement plusieurs dépenses pour un montant total de deux mille cent un euros après la désignation de son intermédiaire. Ces sommes représentaient plus de neuf pour cent du montant total des dépenses inscrites au compte de campagne soumis au contrôle de l’administration. Le Conseil constitutionnel juge que cette proportion constitue une part substantielle des frais engagés, dépassant largement le cadre des simples dépenses courantes admises par exception. Par conséquent, la juridiction estime que « c’est à bon droit » que la Commission nationale a rejeté le compte de campagne pour violation de la loi électorale. La méconnaissance d’une obligation aussi centrale que l’exclusivité du mandataire justifie la sanction administrative du rejet, indépendamment de toute intention de dissimuler des fonds.
II. L’absence d’inéligibilité résultant d’une appréciation nuancée de la gravité du manquement
A. Les critères de la sanction prévus par la loi organique
Le prononcé d’une inéligibilité n’est pas la conséquence automatique du rejet d’un compte de campagne par le juge de l’élection saisi par la Commission. L’article L.O. 136-1 du code électoral subordonne cette sanction à l’existence d’une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles. Le juge dispose ainsi d’un pouvoir d’appréciation souverain pour moduler la réponse juridictionnelle en fonction de la nature et de l’ampleur des irrégularités commises. Cette exigence de gravité particulière permet de distinguer les erreurs de gestion manifestes des manœuvres frauduleuses visant à altérer la sincérité du scrutin. La sanction suprême ne doit frapper que les candidats dont le comportement démontre une volonté délibérée de s’affranchir des cadres posés par le législateur.
B. La portée limitée du manquement au regard des circonstances de l’espèce
Pour écarter l’inéligibilité, le Conseil constitutionnel relève que les dépenses acquittées directement ne représentent que moins de trois pour cent du plafond des dépenses autorisées. Bien que l’obligation méconnue revête un « caractère substantiel », l’impact financier de l’irrégularité demeure très limité par rapport aux capacités de dépense globale. La juridiction prend en considération « les circonstances particulières de l’espèce » pour conclure qu’il n’y a pas lieu de prononcer une sanction d’exclusion du jeu électoral. Cette solution illustre une volonté de proportionnalité, évitant de frapper d’une peine lourde un candidat dont les manquements n’ont pas faussé l’équilibre financier. La décision préserve ainsi l’accès au suffrage tout en maintenant la fermeté nécessaire sur le principe de régularité des comptes de campagne.