Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2025-6510 AN du 20 juin 2025, se prononce sur le respect des règles de financement des campagnes électorales. Un candidat à une élection nationale a réglé directement plusieurs dépenses après la désignation obligatoire de son mandataire financier de campagne. L’autorité administrative de contrôle a rejeté ce compte le 17 février 2025 pour méconnaissance manifeste des dispositions impératives du code électoral. Le juge de l’élection fut saisi afin d’apprécier la régularité de ce rejet et l’éventuelle nécessité de prononcer une peine d’inéligibilité. Le juge constitutionnel confirme le rejet du compte mais écarte l’inéligibilité en raison du faible montant rapporté au plafond légal des dépenses. L’analyse de cette décision commande d’étudier d’abord la rigueur du formalisme comptable avant d’observer la clémence relative quant aux sanctions personnelles du candidat.
**I. La confirmation du principe d’exclusivité du mandataire financier**
A. L’interdiction du règlement direct des dépenses de campagne L’article L. 52-4 du code électoral impose au mandataire financier de « régler les dépenses engagées en vue de l’élection ». Cette règle garantit la transparence financière en centralisant tous les flux monétaires au sein d’une comptabilité unique contrôlée par un tiers indépendant. Le juge admet toutefois le règlement de menues dépenses à la condition que leur montant soit « faible par rapport au total des dépenses ». En l’espèce, le candidat a acquitté personnellement la somme de 2 101 euros après l’entrée en fonction de son représentant financier attitré.
B. Le caractère substantiel du manquement aux obligations légales Le montant litigieux représentait dans cette affaire 9,63 % du total des dépenses effectivement inscrites au compte de campagne du candidat évincé. Le juge considère qu’une telle proportion caractérise une méconnaissance grave des dispositions impératives relatives à l’intervention exclusive du mandataire financier. L’arrêt souligne que ce règlement direct constitue une « part substantielle des dépenses », justifiant ainsi juridiquement la décision de rejet de l’autorité. Cette fermeté rappelle que le respect du circuit de financement officiel demeure une condition indispensable de la validité des comptes électoraux.
**II. La tempérance du juge constitutionnel face à l’inéligibilité**
A. L’appréciation souveraine du manquement d’une particulière gravité L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au juge de déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité ». Le rejet du compte n’entraîne pas automatiquement cette sanction car le juge doit évaluer les circonstances particulières entourant chaque irrégularité constatée. L’instance recherche systématiquement l’existence d’une volonté de fraude ou d’une rupture caractérisée de l’égalité entre les différents compétiteurs du scrutin. Cette distinction fondamentale entre l’irrégularité comptable et la faute électorale grave préserve les élus de sanctions disproportionnées pour des erreurs matérielles.
B. Une solution protectrice du mandat au regard du plafond légal Le juge constitutionnel relève que les dépenses acquittées directement ne représentent finalement que 2,98 % du plafond des dépenses autorisées par la loi. Malgré la nature substantielle de l’obligation méconnue, le montant global reste insuffisant pour caractériser une gravité justifiant une mesure d’inéligibilité. La juridiction décide donc qu’il « n’y a pas lieu de prononcer l’inéligibilité » au regard de la faible incidence économique de ces manquements. Cette position illustre une volonté constante de concilier la rigueur des principes de financement avec le respect de la volonté populaire exprimée.