Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, une décision relative au contrôle des comptes de campagne pour les élections législatives de juin et juillet 2024. Un candidat à la députation a désigné son mandataire financier le 15 juin 2024 conformément aux exigences impératives du code électoral. Cependant, l’intéressé a procédé au règlement direct de plusieurs factures pour un montant total excédant deux mille euros après la date de cette désignation officielle. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte par une décision rendue le 17 février 2025. Saisi par ladite Commission, le juge constitutionnel doit déterminer si ce manquement comptable justifie le rejet du compte ainsi que le prononcé d’une inéligibilité. Le Conseil valide le rejet du compte mais refuse de déclarer le candidat inéligible compte tenu de la proportion limitée des sommes irrégulièrement engagées. L’analyse de cette solution impose d’étudier la rigueur du contrôle comptable avant d’examiner la tempérance manifestée lors du prononcé de la sanction.
I. La confirmation de la rigueur comptable en matière de financement électoral
A. L’interprétation stricte de l’interdiction des règlements directs par le candidat
L’interdiction des règlements directs par le candidat constitue un principe fondamental garantissant la transparence financière et l’égalité entre les prétendants au suffrage universel. Le mandataire financier dispose d’un monopole légal pour le règlement des dépenses engagées, à l’exception notable des menues dépenses payées directement par le candidat. Le juge rappelle que le règlement direct peut être admis seulement si le montant « soit faible par rapport au total des dépenses du compte ». Cette exigence assure que la quasi-totalité des flux financiers transite par le compte unique tenu par le mandataire désigné à cet effet. La méconnaissance de cette règle de centralisation des fonds entraîne systématiquement une analyse rigoureuse de la part des autorités de contrôle financier.
B. Le caractère substantiel des dépenses irrégulièrement acquittées
Dans cette affaire, les dépenses acquittées directement par le candidat représentaient près de dix pour cent du montant total des frais réels de sa campagne. Le Conseil estime que ce volume constitue une part substantielle des engagements financiers, ce qui contrevient directement aux dispositions de l’article L. 52-4. Par conséquent, la décision énonce que « c’est à bon droit » que l’autorité administrative a rejeté le compte de campagne du candidat pour les élections législatives. Cette qualification juridique stricte du manquement comptable ouvre alors la voie à une éventuelle sanction d’inéligibilité dont le juge doit apprécier l’opportunité concrète. La décision s’attache alors à vérifier si la gravité des faits constatés commande l’application de la sanction suprême prévue par les textes organiques.
II. L’appréciation nuancée de la sanction d’inéligibilité par le juge constitutionnel
A. Le rappel des critères de gravité du manquement
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet de déclarer inéligible le candidat dont le compte a été rejeté de manière régulière par la Commission nationale. Le juge subordonne toutefois cette sanction grave à l’existence d’une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement. Cette exigence textuelle oblige le magistrat à une analyse concrète des faits pour distinguer l’erreur matérielle isolée de la manœuvre frauduleuse délibérément caractérisée. L’inéligibilité ne revêt donc aucun caractère automatique malgré la confirmation du rejet du compte de campagne par le juge de l’élection dans sa décision. Le Conseil constitutionnel exerce ici un plein contrôle sur la proportionnalité de la sanction au regard des agissements relevés lors de l’instruction.
B. La proportionnalité de la mesure au regard du plafond légal
Pour écarter la sanction, le juge relève que les dépenses litigieuses ne représentent que « 2,98 % du plafond des dépenses autorisées » dans cette circonscription spécifique. Le montant absolu de deux mille cent un euros demeure modeste par rapport aux capacités de financement globalement permises pour ce type de scrutin national. Le Conseil conclut qu’en l’absence de fraude démontrée, il n’y a pas lieu de prononcer l’inéligibilité « dans les circonstances particulières de l’espèce ». Cette solution préserve l’équilibre entre la nécessaire discipline budgétaire des candidats et la protection constitutionnelle du droit fondamental de se porter candidat. Le juge constitutionnel privilégie ainsi une approche finaliste de la règle électorale en limitant les sanctions les plus lourdes aux fautes les plus manifestes.