Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 juin 2025, une décision importante concernant le respect des règles de financement des campagnes électorales lors des législatives. Dans cette affaire, un candidat aux élections de juin et juillet 2024 dans le département de la Savoie n’a pas déposé ses comptes. L’autorité chargée du contrôle des financements politiques a saisi le juge électoral le 19 février 2025 afin de constater cette omission déclarative manifeste. Le requérant invoquait une « grande précipitation » durant la période électorale pour justifier l’absence de transmission de ses documents comptables aux autorités administratives compétentes. La question posée au juge est de savoir si l’absence totale de dépôt du compte constitue un manquement de nature à justifier une déclaration d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel déclare le candidat inéligible pour trois ans, estimant que la méconnaissance des obligations légales présente une particulière gravité dans cette espèce précise. Cette solution conduit à examiner d’abord la caractérisation du manquement aux obligations financières, puis la rigueur de la sanction prononcée contre le candidat fautif.
**I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations de transparence financière**
**A. L’exigence impérative du dépôt des comptes de campagne**
L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés d’établir un compte de campagne complet. Ce document comptable doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Le candidat en cause avait atteint ce seuil électoral lors du scrutin, ce qui rendait obligatoire la présentation de ses dépenses et recettes. Le dépôt doit intervenir avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, délai qui constitue une garantie essentielle pour la sincérité du vote. En l’espèce, le candidat n’a pas respecté cette échéance légale, omettant totalement de fournir les pièces justificatives nécessaires au contrôle de son financement. La loi prévoit que le compte doit être en équilibre ou excédentaire, interdisant ainsi tout déficit qui pourrait compromettre l’égalité entre les différents compétiteurs.
**B. L’inefficacité des justifications tirées des circonstances électorales**
Le candidat tentait de justifier son retard ou son absence de dépôt par la « grande précipitation » ayant marqué la période de l’élection législative. Le juge électoral considère cependant qu’aucune « circonstance particulière » n’était de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant des dispositions du code électoral. La brièveté des délais de campagne ou l’urgence du calendrier politique ne sauraient dispenser les participants du respect des règles fondamentales de la démocratie. Le Conseil constitutionnel adopte ici une position stricte en refusant de prendre en compte les difficultés logistiques alléguées par le requérant durant son instruction. Cette rigueur s’explique par la nécessité d’assurer un contrôle effectif des ressources financières utilisées pour influencer le choix des électeurs lors des scrutins. Le manquement est ainsi constitué par la seule constatation de l’absence de dépôt du compte à l’expiration du délai légal imparti par le code.
**II. La rigueur de la sanction garante de la probité électorale**
**A. La reconnaissance d’une faute d’une particulière gravité**
En vertu de l’article L.O. 136-1, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions prescrites. Le juge souligne la « particulière gravité » du manquement pour fonder sa décision de retrait du droit de se présenter à un futur mandat politique. L’absence de compte empêche toute vérification de l’origine des fonds et du respect des plafonds de dépenses imposés par la législation électorale française. Cette opacité financière est jugée incompatible avec l’exercice de fonctions législatives, car elle rompt le contrat de confiance nécessaire entre l’élu et ses citoyens. Le Conseil constitutionnel estime que l’absence totale de transparence constitue une faute majeure, indépendamment de toute intention frauduleuse initialement démontrée par les services d’enquête. La sanction repose sur la protection de l’ordre public électoral et sur la préservation de l’égalité de traitement entre tous les candidats.
**B. La portée de l’inéligibilité triennale sur la vie politique**
Le dispositif de la décision prononce une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date du prononcé. Cette période d’interdiction de se présenter devant les électeurs témoigne de la volonté du juge constitutionnel de punir sévèrement les dérives comptables identifiées. La sanction s’applique immédiatement et interdit au candidat de solliciter un nouveau mandat, quelle que soit la nature de l’élection locale ou nationale concernée. Cette jurisprudence renforce l’effectivité des règles de financement en rappelant que la négligence administrative est traitée avec la même sévérité que la fraude manifeste. La publication de la décision au Journal officiel assure une information complète du public sur la probité des acteurs engagés dans la compétition électorale. Le droit électoral moderne utilise ainsi l’inéligibilité comme un instrument de régulation indispensable pour garantir la moralisation de la vie publique au sein de l’État.