Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 5 juin 2025, s’est prononcé sur la situation électorale d’un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024. Le litige portait sur le respect des règles relatives au financement des campagnes électorales, particulièrement l’obligation de dépôt des comptes de campagne. À la suite du scrutin, le candidat concerné avait obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, seuil déclenchant l’obligation légale de transparence financière. Cependant, celui-ci a omis de déposer son compte de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans les délais prescrits.
Saisie par ladite commission le 19 février 2025, la juridiction constitutionnelle a examiné les observations du candidat invoquant la précipitation marquante de la période électorale. La question posée au juge consistait à déterminer si le défaut de dépôt d’un compte de campagne constituait un manquement d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel a considéré que l’absence de dépôt, non justifiée par des circonstances particulières, entraînait une déclaration d’inéligibilité pour une durée de trois ans. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation du manquement aux obligations de financement, avant d’étudier la rigueur de la sanction prononcée par les juges.
**I. La caractérisation du manquement aux obligations de financement**
Le respect des délais de dépôt constitue une règle fondamentale du droit électoral garantissant la sincérité du scrutin et l’égalité entre les candidats. Le Conseil constitutionnel rappelle ici la force obligatoire des dispositions du code électoral relatives à la transparence des ressources et des dépenses engagées.
*A. L’obligation impérative de dépôt du compte de campagne*
L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat ayant franchi le seuil des 1 % des suffrages d’établir un compte de campagne précis. Ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». La juridiction souligne que ce compte doit impérativement être déposé avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, soit à dix-huit heures au plus tard. En l’espèce, le candidat n’avait procédé à aucun dépôt à l’expiration de ce délai légal, malgré l’obtention de résultats significatifs lors de l’élection.
*B. L’insuffisance des justifications liées aux circonstances exceptionnelles*
Le candidat tentait de justifier son omission en invoquant la « grande précipitation » ayant marqué l’organisation de ces élections législatives anticipées de l’été 2024. Toutefois, le juge constitutionnel estime qu’il ne résulte pas de l’instruction que « cette circonstance ni aucune autre circonstance particulière étaient de nature à justifier la méconnaissance » de la loi. La rigueur de la règle de dépôt ne souffre aucune exception, sauf preuve d’un événement imprévisible et insurmontable ayant empêché l’accomplissement de la formalité. L’absence totale de compte prive la commission de tout contrôle sur la provenance des fonds, ce qui motive la sévérité de la solution finalement retenue.
**II. La sanction de l’inéligibilité au regard de la gravité du manquement**
La méconnaissance des règles de financement entraîne des conséquences directes sur la capacité du candidat à se présenter à de futures consultations électorales. Le Conseil constitutionnel use ici de son pouvoir souverain pour sanctionner un comportement jugé attentatoire à la probité de la vie publique.
*A. Le pouvoir d’appréciation du juge constitutionnel*
En vertu de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge peut déclarer inéligible le candidat n’ayant pas respecté les conditions de dépôt. La loi exige toutefois la démonstration d’une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » pour justifier une telle mesure d’éviction. Le Conseil a jugé que le défaut de dépôt d’un compte de campagne constitue, par sa nature même, un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Cette qualification juridique permet d’écarter les candidats négligents sans qu’il soit nécessaire de prouver une intention frauduleuse de leur part.
*B. La portée de la déclaration d’inéligibilité pour une durée de trois ans*
La décision prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision », conformément aux textes organiques. Cette durée de trois ans reflète la volonté du juge constitutionnel de préserver l’intégrité des mandats électifs contre les dérives liées au financement occulte. La sanction est immédiate et s’applique à l’ensemble des mandats, limitant ainsi durablement l’activité politique de l’intéressé sur le territoire national. Par cette fermeté, le Conseil constitutionnel réaffirme que la célérité de l’élection ne saurait dispenser les acteurs politiques de leurs obligations de transparence financière.